Si en 1984, MÖTLEY CRÜE vous semblait trop bariolé, que TWISTED SISTER commençait à virer trop commercial, que KISS ne vous faisait plus rêver et que vous faisiez des paris concernant le COOP’, allait-il passer l’année ou non, alors votre groupe de secours est forcément WASP. Il faut dire que Blackie Lawless, à cette époque, est un poète. Un vrai. Souvenez-vous du single "Animal (Fuck Like A Beast)" publié avant la sortie de l'album et qui aurait bien provoqué une jaunisse à Tipper Gore (à laquelle il aurait fallu expliquer les paroles et aborder avec elle la notion d’orgasme. Autant vous dire qu’elle a dû passer du temps à l’église après ça).

Look débraillé, coquilles avec scie circulaire (très chic en société), viande jetée au public lors des concerts… La légende qui entoure WASP est la vitrine d’une époque. Aujourd’hui, pas certain que les frasques de Blackie passent très bien, mais ça c’est une autre histoire. En 1984, WASP, c’est un groupe malsain. La pochette bien moche donne le ton, la musique et la réputation font le reste. Si vous voulez, STRYPER sera l’alter-ego cul-béni de WASP. Rien que l’acronyme a de quoi faire jaser. Mais bon, la provoc’ c’est une chose, il faut encore pouvoir assurer derrière.

Et ce premier album le fait. WASP propose un Heavy cradingue ponctué par des chœurs à se damner. Les refrains sont autant d’hymnes en puissance et si certains se veulent forcément plus marquants que d’autres (allez, au pif, "I Wanna Be Somebody", "Hellion", "On Your Knees"), l’ensemble se tient vraiment très bien. Blackie n’a pas que réuni des trouffions autour de lui et son lieutenant se veut même plutôt redoutable. Chris Holmes pond des soli qui font mouche, fluides et précis et il contribue grandement au succès des morceaux.

À ce moment, Blackie se concentre sur la basse et le chant et le mec est monstrueux. Sa voix peut être agaçante pour certains, le genre de truc éraillé et un peu criard, qui ne devrait pas forcément bien fonctionner (et qui fera dire aux réfractaires au Metal que le chanteur ne fait que brailler), mais qui ici s’avère génial (oui, n’ayons pas peur des mots). Il définit l’univers WASP, contribue à sa saleté et sa luxure et se veut même étonnement accrocheuse par moments (la ballade "Sleeping (In The Fire)", qui mettra quelques années à être égalée).

Allez, on va dire pour la forme que "The Flame" et "B.A.D." viennent ternir un peu la première partie de l’album (mais après l’enchaînement "I Wanna Be Somebody" et "L.O.V.E. Machine", qu’est-ce qui ne paraîtrait pas fade ?), mais le reste, c’est de la barbaque de qualité supérieure. Bien saignante, bien juteuse et pour l’époque, bien, bien explicite. Quand on pense que de cette crasse primaire naîtra quelques uns des plus beaux fleurons du Heavy américain, il y a de quoi rester songeur. Premier album et premier classique. Chapeau bas !

Note réelle : 4,5/5.