"Le temps qui va,
le temps qui sommeille,
le temps sans joie,
le temps des merveilles,
le temps d'un jour,
le temps d'une seconde,
le temps qui court,
ou celui qui gronde"

Oui, le temps file, et ce n’est pas l’autre grand Charles qui saura m’opposer le contraire. Près de vingt ans se sont écoulés depuis le crépusculaire "Album Of The Year" et les membres de FAITH NO MORE ont chacun développé leurs projets dans leur coin. Du tout et du grand n’importe quoi pour Mike Patton (DEAD CROSS, le retour de MR BUNGLE, du easy listening avec LOVAGE ou de la variété italienne "Mondo Cane"), à l’image de l’hyperactivité du bonhomme. De l’électro pour Roddy Bottum avec son partenaire à la ville (MAN ON MAN) aux featurings divers et varié de Mike "Puffy" Bordin avec Ozzy OSBOURNE ou KORN, chacun a vaqué à ses occupations diverses et variées.

Jusqu’à cette reformation pour quelques concerts, puis l’annonce impromptue d’un nouvel opus, que personne n’attendait réellement tant la nouvelle ressemblait plutôt à une volonté de prendre quelques biftons, en mode SYSTEM OF A DOWN. "Sol Invictus" déboule donc l’air de rien, et c’est peut-être la meilleure nouvelle pour les Californiens. Sauf qu’en vingt ans, le monde a changé. Pas eux. Comme un retour à un amour d’enfance, on a envie d’y croire et de se laisser emporter par la folle romance de nos souvenirs d’antan. Mais ce genre d’histoire ne marche qu’au cinéma, dans les comédies romantiques populaires américaines à la limite de la niaiserie. Ce n’est pas tant l’entichement initial qui est à mettre en cause, ni la personne qu’elle est devenue. Juste ce putain de temps qui file, qui altère la nature humaine, l’essence et les goûts.

"Sol Invictus" n’est pas mauvais en soi. Il est simplement anachronique. Les expérimentations qui faisaient tout le sel de l’œuvre de FAITH NO MORE ont été reprises, copiées, dévoyées, multipliées. D’autres sont allées bien plus loin dans le mélange des genres, parvenant à des métissages plus puissants et plus surprenants encore que ce que nous pondent les Californiens en 2015. Le disque contient son lot de titres plaisants (le classique "Superhero", le furieux "Cone Of Shame", ou l’absurde "Motherfucker"), mais la passion n’est plus. Elle est partie au fur et à mesure que les rides apparaissaient, que le crâne se faisait plus dégarni et la barbe grisonnante. Impossible de leur en vouloir réellement, même si le constat de déception final s’avère patent et incontestable.

Restent les souvenirs, furtivement ravivés le temps d’une fulgurance inattendue, ici et là, sporadiquement.

Note réelle : 2,5/5.