En voilà une bonne surprise que cet "Imposter Syndrome" ! Jamais là où on les attend, les cinglés de FAITH NO MORE excavent de leurs entrailles ce Live de 1992, enregistré à Sheffield (UK) lors de la tournée faisant suite à la sortie de "Angel Dust". L’occasion pour ceux qui n’ont pas eu la chance de voir un jour le groupe en concert, de découvrir les chansons de cet album passé à la postérité, sous un jour nouveau, à l’épreuve de la scène. Les précédents albums avaient connu le privilège de l’exercice, via le très réussi "Live At Brixton Academy" de 1991.

Nouveauté ? À vrai dire… plus ou moins. En effet, ce disque était au départ un vieux bootleg (connu par les initiés de l’époque sous le nom de "It’s Showtime"). En cela, il rejoint donc le non moins mythique "Live At Donington" d’IRON MAIDEN, initialement disponible en version pirate (comme on disait d’mon temps) avant de se voir offrir une release officielle compte-tenu de sa popularité et de la qualité de l’enregistrement. L’occasion également pour moi de dépoussiérer des souvenirs d’enfance à chiner rue du Roi de Sicile à Paris, furetant dans les bacs du disquaire à la recherche de ces enregistrements illicites, le goût de l’interdit en plus. Cela parlera sans doute à certains de nos lecteurs.

Mais trêve de balivernes de vieux croûton, et attaquons-nous à la carte appétissante qui nous est proposée, quand bien même le cadre serait un brin douteux. Au menu, quatorze titres saisis lors de ce concert, majoritairement issus de "The Real Thing" et de "Angel Dust" mais pas que, avant d’enquiller, en guise de digestif, sur quatre pistes gravées à l’occasion d’une session organisée pour la BBC. Format un chouïa bancal donc, mais "Imposter Syndrome" n’est de toutes façons pas destiné aux béotiens, mais bien aux vieux fans du combo de San Francisco, n’est pas AC/DC qui veut.

Relativement bien équilibré dans sa représentativité de la discographie à date, l’opus s’ouvre sur un "Caffeine" furieux, peut-être l’un de mes morceaux préférés de la formation. Premier constat d’emblée, le son est assez bon, compte-tenu des conditions, ce qui est plutôt épatant. La plupart des chansons présentes ici possèdent également la caractéristique d’être légèrement accélérées par rapport aux versions originales, ce qui présente autant d’avantages que d’inconvénients, en fonction de la sensibilité des uns et des autres.

D’une part, on a la sensation d’assister à un véritable concert, avec ses imperfections, ses pains ici et là, cet aspect brut et viscéral qui se manifeste, notamment, à travers la basse cinglante de Billy Gould ou le chant de Patton totalement instinctif. Déjanté évidemment, mais plus extrême que jamais sur certains passages, le charisme du frontman est omniprésent. Pas de retouches studio à attendre, prenez "Imposter Syndrome" tel qu’il est, avec ses fausses notes, ou passez votre chemin si vous êtes amateur de perfection. A contrario, certaines compositions, du fait d’une écriture reposant sur les atmosphères pesantes et autres arrangements malsains, principalement menés par les claviers de Roddy Bottum, y perdent un peu de leur charme, du fait de ce rythme relativement effréné qui nous est ici imposé.

On réalise également à l’écoute de ce concert, combien la guitare de Jim Martin était essentielle à l’âme de FAITH NO MORE, quand bien même les albums suivants, "King For A Day, Fool For A Lifetime" et "Album Of The Year" restent de qualité. Plus mordantes que jamais, les grattes constituent la caution Metal, avec Patton, de l’essence-même du groupe. À la fois précis et juste baveux ce qu’il faut, le tempétueux pote de James Hetfield (METALLICA) apporte ici une dernière fois sa science et son toucher, peu avant de se faire éjecter dans des circonstances encore obscures, lui qui sera également le seul membre fondateur (à part Chuck Mosley de toute évidence) à ne pas faire partie de la reformation de 2010, ce qui avait pourtant été évoqué dans un premier temps. Nul doute qu’il aurait sans doute apporté une part de ce qu’il m’a manqué sur "Sol Invictus", mais FNM a toujours été un groupe dysfonctionnel, que voulez-vous !

Les quatre dernières pistes estampillées BBC n’ont en revanche que peu d’intérêt, si ce n’est de découvrir des versions légèrement alternatives à celles connues, à l’image de maquettes ou de démos, dans une configuration brute de fonderie, sans retouche ni ajouts. Ce final anecdotique ternit quelque peu le plaisir de retrouver une dernière fois le line-up magique de cette formation inclassable et culte qu’est (qu’était ?) FAITH NO MORE. Fun fact, les deux "Lives" officiels disponibles ont été enregistrés en Angleterre, comme un hommage à une Europe qui les a accueilli à bras ouverts tandis qu’ils peinaient à se montrer prophètes en leur propre pays.