Derrière l'histoire des groupes que l'on vous raconte, derrière la genèse des albums que l'on vous narre, il y a des mecs et des nanas (et quelques surprises parfois). Des passionnés (quelques blagueurs potaches et une poignée d'imposteurs également) mus par une envie et une motivation commune : celle de partager leur musique avec le plus grand nombre, coûte que coûte. Un lieu commun, une évidence, qui prend néanmoins tout son sens lorsque l'on en vient à évoquer le cas de CELTIC LEGACY, un groupe marqué, frappé, stigmatisé, et finalement abattu par son abnégation et sa persévérance. Fondé en 1997 sur les cendres du groupe de reprises Stomp, le combo est le fruit de la collaboration de deux Irlandais aux tatouages saillants et au teint rougeaud, Dave Morrissey et Dave Boylan. Fort d'un line-up fraîchement constitué et d'un prêt bancaire au cul, le groupe se rend en studio début 1998 pour donner naissance à une pièce-maîtresse du heavy irlandais. Manque de bol, personne ne le sait.

Édité à 1000 exemplaires seulement, cet album est bien entendu quasiment introuvable. Coup de chance, il est en revanche très facile de se procurer le coffret rassemblant les deux premiers albums du groupe paru en 2008. De quoi permettre de ne pas faire l'impasse sur ce heavy mélodique « à l'irlandaise », qui tient autant d'IRON MAIDEN que de DEEP PURPLE et TTHIN LIZZY. Car la spécificité de CELTIC LEGACY réside dans cette capacité à faire cohabiter ses nombreuses influences issues de la NWOBHM avec un hard rock des plus classiques, tout en parvenant à combiner le meilleur des deux genres : des compositions épiques, couplées à des mélodies séduisantes et une accessibilité déconcertante. Ne cherchez pas dans la musique du groupe une quelconque originalité ou innovation, fouinez et partez simplement à la découvertes de ces ambiances tissées avec talent et inspiration. La fougue des débutants se fait entendre sur ce premier témoignage : la production, brute et lisse, ne met pas en valeur le chant hésitant d'un Tommy Branagan, qui malgré d'évidentes prédispositions à user sa voix derrière un micro quittera rapidement le groupe.

"Celtic Legacy", malgré ses défauts de jeunesse, se fait ainsi délectable de bout en bout. Fort d'un enthousiasme sur lequel vient se greffer un indéniable talent de composition, le groupe assène son heavy mordant sur "Wandering Free", dont la rythmique n'aurait pas été reniée par Steve Harris et son équipe. Entre riffs heavy et refrains se rapprochant d'un hard rock mélodique, "Catch The Wind" et "Rainman" s'imposent comme de délicieuses pièces envoûtantes. Le petit plus, c'est cette "touche irlandaise", cet ajout parcimonieux bien que remarquable d'instruments tels que le violon et la flûte, qui permet à l'album de proposer un niveau de lecture supplémentaire. Le titre épique "Celtic Legacy" et ses douze minutes au garrot bénéficie pleinement de cette touche traditionnelle qui, loin de classer CELTIC LEGACY dans le giron des groupes folk metal, apporte une touche d'authenticité confirmée par les textes, ces derniers faisant à de nombreuses reprises référence au passé celtique de l'Irlande.

Aucunement nationaliste, CELTIC LEGACY bénéficie simplement de ce brassage des valeurs universelles (solidarité, liberté) véhiculées par le celtisme, et en profite pour rendre hommage à ses glorieuses figures : Phil Lynott, sur "Glen Corr", titre heavy aux harmonies et au refrain imparables, et Gary Moore sur "Lost Soul", mid-tempo entraînant et faisant la part belle au violon, qui aurait fait bonne figure sur un album du regretté guitariste. Cette utilisation d'instruments traditionnels renforce également l'impact sentimental de certains des titres de l'album, à l'image de la power-ballad finale, "Waterfront", sur laquelle piano, violon et voix mêlés génèrent une intensité dramatique sensiblement identique à celle générée par DEEP PURPLE sur sa magnifique ballade "Soldier Of Fortune" (période Coverdale).

Passé totalement inaperçu (aucun label ne s'étant montré intéresse par le groupe) ce premier album de CELTIC LEGACY regorge pourtant de pépites et d'hymnes heavy metal à vous en faire décrocher la mâchoire. Ce n'est que par Internet et la dévotion de quelques uns de ses fans que le groupe parviendra à écouler les copies de son album et à financer un deuxième enregistrement qui s'avèrera tout aussi bon. Une histoire de passionnés, qu'on vous dit !