GODFLESH avance. Et si "Pure" m'avait déçu de son état d'esprit direct, je me suis refusé à le tacler trop fort, car l'album ouvrait une nouvelle porte musicale qu'un certain FEAR FACTORY aura tôt fait de pousser. La chronique commence à peine et déjà, je parle de la bande menée par Burton C Bell, mais le parallèle est tellement frappant. Entre "Obsolete" et "Demanufacture", il y a ce qui sépare "Selfless" et "Pure", ni plus ni moins. Et l'élève calque son parcours sur les intentions de son maître à trois années de distance. Seulement, lorsque le Californien se trompe, lorsque "Obsolete" peine à séduire comme a su le faire son prédécesseur, le Grand-Breton a tout bon et retrouve une trajectoire qualitativement ascendante.

Une pochette admirable, l'album commence comme ça. Et en analysant cette première de couverture, on a tout compris du contenu de l'album.
Toxique ou pop ?
Toxique et pop, peut-être gai.

"Selfless", le disque le plus mélodique d'une riche discographie, le disque musicalement le plus proche de ce que Justin Broadrick a bien voulu nous laisser entendre de son sublime JESU. Et pourtant aucune trahison, aucun contre-pied, une logique remarquable et la conservation de l'esprit boulons post-apocalyptique des débuts. GODFLESH se renouvelle une fois de plus, GODFLESH avance.

Le service semble parfait, une production qu'on n'a jamais connu meilleure, un papier émeri qui ne gratte pas trop, la juste accessibilité tout public, la puissance et les crrr. Attardons-nous un peu là-dessus car si les chroniques sont avant tout faites pour donner envie aux lecteurs, les occasions ne se représenteront peut-être pas de sitôt pour GODFLESH, aujourd'hui capable de conquérir la planète entière.

Avec "Selfless", l'Indus n'irrite plus les oreilles. Loin de se départir de son désir de rouille, l'artiste n'hésite pas à arrondir les angles afin de s'essayer à de nouvelles idées. "Pure" prenait le parti de l'agression sonore, son successeur choisit la direction opposée. Il le fait en ayant l'intelligence de ne pas saborder entièrement son travail passé. Pire, il le sublime et jamais GODFLESH n'a mieux sonné. Puissance et volupté comme le son de cette basse de plus en plus omniprésente et overdrivée, un insolent délice, le moteur de la galette ("Anything Is Mine", "Heartless" et tant d'autres).

Les plats, du mélodique associé au retour tant attendu d'un climat bi-goût, de l'oppression et on s'époumone, une incroyable évanescence et on respire. Justin Broadrick accumule le temps passé en chant clair mais refuse de dénigrer sa vieille appétence pour les distorsions vocales tandis que les guitares alternent riffs incisifs et nappes voluptueuses. Je ne reviendrai pas sur la basse, véritable star de l'album et conducteur de rêve de ce délicieux office. Ajoutons à cette quasi perfection un zeste d'épilepsie dansante ("Crush My Soul" et son savant usage des samples) et nous obtenons un indispensable de la musique moderne, mille fois plus accorte et peut-être plus riche encore que le séminal "Streetcleaner", un opus sans défaut qui se permet même une conclusion osée de 23 minutes aux relents post rock. La grande classe !

Alors amateurs d'atmosphères, amants du shoegaze, simples gens de bon goût… fans de FEAR FACTORY, entrez, prenez place et écoutez, vous êtes sur le point de découvrir un artiste essentiel. GODFLESH avance et touche les cieux.