Quatre albums, deux EP, le tout compris entre 1998 et 2006. Effectivement, pourquoi ne pas sortir un premier best-of histoire de fêter ça ? LACUNA COIL est, comment dire, un groupe ambigu. Capable d'animer les passions comme de cristalliser le mépris, voire la haine à son encontre, la formation italienne a néanmoins su inventer sa propre recette, à base de metal gothique et de neo metal plus ou moins popisant. C'est plus gothique par moments, parfois plutôt neo, et variablement popisant d'une galette et même d'un titre à l'autre. Du coup la discographie de LACUNA COIL est vite devenue un sacré bordel souffrant de nombreux déséquilibres. Ainsi le premier EP éponyme, suivi du premier album du groupe, "In A Reverie", ont plutôt été de bonnes surprises, mettant en scène un metal gothique facile d'accès et aux structures relativement simplistes sans pour autant verser dans la mièvrerie. L'EP "Half Life" a quant à lui fait dignement office d'amuse-bouche au second album, "Unleashed Memories", qui est venu injecter une bonne dose de néo et surtout pas mal de sonorités pop dans la musique de LACUNA COIL. Personnellement je n'ai jamais trouvé le moyen d'apprécier cet album, globalement fade et sans caractère. Puis le groupe parvint enfin à se donner les moyens de ses ambitions avec "Comalies", qui reste de point de vue leur meilleur album à ce jour, conciliant admirablement bien les faces gothique et néo tout en se débarrassant des velléités popisantes exprimées sur "Unleashed Memories". La fête sera de courte durée : "Karmacode", dans la droite lignée du second opus, s'avérera être décevant.

Sorti quelques mois avant l'abominable "Shallow Life", "Manifesto of Lacuna Coil" rassemble quinze titres, issus de cinq galettes différentes. "Half Life" devra se contenter d'un titre, qu'il a en commun avec "Unleashed Memories" (à savoir "Senzafine"). Premier faux pas, on ne pourra que regretter une sélection déséquilibrée qui ne contribue pas vraiment à mettre en valeur les meilleurs atouts du groupe. Quatre titres proviennent de "Karmacode", trois de "Comalies", trois de "Unleashed Memories", autant de "In a reverie" et enfin deux de "Lacuna Coil". Les titres sont classés par ordre croissant en fonction de leur âge, les extraits des différents albums sont donc ici présentés par blocs séparés. Deuxième point noir : la faiblesse de certaines compositions se retrouve de fait mise en exergue. Troisième point noir : "Karmacode" ouvre la marche. "Our Truth", single honnête qui rappelle, en moins bien, les compos de "Comalies", plante assez correctement le décor, mais les deux titres suivants n'ont clairement pas leur place sur un best-of, qu'il s'agisse du popisant "Closer" ou de l'insupportable power-ballade "Within me". La reprise du hit de DEPECHE MODE, "Enjoy the silence", vaguement inspirée du remix de Mike Shinoda (LINKIN PARK), quoique plutôt correcte, n'a également à mon sens rien à faire ici : quand on élabore le meilleur de sa propre carrière, on n'y inclut pas des reprises de titres écrits par d'autres, aussi illustres soient-ils !

Les trois titres suivants, tous issus de "Comalies", l'album le moins bien traité de cette compilation d'un point de vue qualitatif, vient relever bien haut le niveau. Les essentiels "Swamped" et "Heaven's A Lie", qui auraient à leur époque renvoyé EVANESCENCE dans ses cordes si les médias s'étaient donnés la peine de braquer ne serait-ce qu'un de leurs projecteurs sur les Italiens, sont bien là. Bon choix, également, du côté de "Daylight Dancer", qui fait vaguement penser aux derniers PARADISE LOST et sur lequel le pourtant très mauvais chanteur Andrea Ferro nous gratifie d'une performance tout à fait convenable. Mais la fête sera de courte durée... Les trois pistes suivantes m'ont fait sauter aux oreilles une évidence qui m'avait échappé jusque là, à savoir la proximité entre les compositions et l'ambiance générale de "Unleashed Memories" et celles de "Karmacode". "To Live Is To Hide" ressemble même à s'y méprendre à "Our truth", en plus popisant. L'insupportable ballade à base de sonorités synthétiques "Cold Heritage" ne demande en revanche qu'à être zappé. Quant à l'ennuyeux "Senzafine", dont les couplets réussissent pourtant une belle jonction entre l'ambiance de "Comalies" et celle des premiers albums, il ne tient pas la route sur le long terme et se trouve par ailleurs plombé par un refrain catastrophique sur lequel Ferro montre cette fois-ci toute l'étendue de sa médiocrité.

La compilation prend fin sous de meilleurs auspices avec les cinq titres issus de "In a reverie" et de "Lacuna Coil". Rythmées, bien calibrées, bien foutues, les compositions les plus anciennes se retrouvent dignement représentées et c'est tant mieux. Le contraste entre ces derniers titres et les quatre premiers est saisissant, à croire que le groupe devient de moins en moins bon au fil des ans. On retrouve sur "My Wings", malgré les piteuses interventions de Ferro, une finesse de composition qui semble aujourd'hui avoir abandonné les compositeurs de LACUNA COIL. Même topo pour la ballade "Failling Again", qui aurait gagné à être la seule ballade de cette compilation. Les deux titres fermant la marche, "No Need To Explain" et "The Secret", qui fleurent bon le groupe débutant, laissent à mon sens une bonne impression. Je me suis également surpris à réaliser que le niveau technique de ces titres s'avère en réalité être un cran nettement au dessus de celui de "Karmacode", par exemple.

Au final ce "Manifesto" est bien représentatif de la carrière type montagnes russes de LACUNA COIL : des hauts et des bas et pas mal de grands écarts. "Karmacode", le plus mauvais album du groupe avant que ne sorte la daube intersidérale "Shallow life", est trop bien traité, tandis que "Comalies", censé occupé le haut du pavé, aurait mérité une présence bien supérieure à celle équivalant à trois pauvres titres sur un best-of digne de ce nom. Pour le reste ça va déjà mieux, les diverses ambiances expérimentées et les différents chemins empruntés par le groupe au fil de sa carrière sont plutôt bien retranscrits. Sans originalité mais globalement potable, ce best-of imparfait et inégal, à l'image de ses géniteurs, peut néanmoins constituer un bon point de départ pour celui qui ne connait pas ou peu LACUNA COIL. "Manifesto of Lacuna Coil" aurait été une bonne compilation avec quelques choix foireux en moins et une construction moins scolaire. Il sera un best-of juste correct.