Il y a toujours de grandes appréhensions lorsque le deuxième album d’un groupe sort, surtout quand le premier a été bon, sans plus. Le danger d’"oublier" de se réinventer, de croire que notre effort primaire a été quasi suffisant pour plaire à tous. Mais le pire piège est sans contredit la répétition, le clonage de ses œuvres ; de quoi décourager l’auditeur ad vitam aeternam.

SHINING a dû perdre bien des disciples précoces avec "Livets Ändhallplats", car à moins que l’on mange du Black suicidaire au petit-déjeuner, au déjeuner et au dîner, quitte à se lever la nuit pour s’envoyer une dernière portion, impossible d’affirmer avec fermeté que la méchante meute à Kvaforth se réinvente et nous allonge son talent au max, un an après "Within Dark Chambers". Nous sommes en 2001 et SHINING a toujours soif de nihilisme et n’a pas l’intention de prendre du recul ou de laisser couler de l’eau sur sa créature originelle. On dit souvent que « vite et bien ne vont pas ensemble » ; voyons donc comment SHINING s’acclimate à la maxime.

L’imagerie, d’abord. Deux pochettes aussi différentes qu'adynamiques accompagnent cet océan de méfaits, tout dépendamment de la version que vous possédez : une route de sable bordant une plage, la nuit, ou un rond de lumière montrant un bras sous lequel de petites flaques de sang s’étalent confortablement. Miam. Moi, je suis tombé sur le sable et qu’y avait-il dissimulé sous un coquillage ? Oui, une autre plage cachée, musicale cette fois, comme sur "Within Dark Chambers". Encore six titres constellent l’album, entièrement interprétés en suédois, d’une longueur moyenne de huit minutes, ce qui est pas mal si on pense que le groupe ne s’est pas payé de vacances entre les deux productions.

Un des meilleurs moments de l’opus, profitez-en car ils sont rares, sont les deux dernières minutes de "Ännu Ett Steg Narmare Total", un solo triste et langoureux couronnant une lente et quelconque création. Un moment de deuil du condamné devant l’éternité de ses songes, qui conclut en macabre beauté ce trop long épisode.

La suivante, "Död", ressemble à la correcte pièce d’ouverture et ne casse rien. Son bridge mou de trois minutes à la guitare n'améliore aucunement son cas… Heureusement que Kvaforth joue les idiots avec sa roucoulante voix d’outre-tombe, car on tomberait endormi sans chigner.

C’est alors que se pointent deux espoirs auxquels on tente de s’accrocher pour tenter de rentabiliser notre achat et notre mièvre excitation : "Svart" et la chanson-titre. Décidément, la roulette russe ne nous sourit pas et on s’explose la tronche en raillant : des riffs lancinants et pénibles comme un mal de tête, un chant déficient (cette fois, Kvaforth tire partout et rate), des platitudes sur des platitudes ! Seule "Livets Ändhallplats" échappe au qualificatif "insupportable" grâce à une puissante envolée vers la fin, mais il s’en fallait de peu…

Après un tel gâchis presque généralisé, je me suis jeté à bras raccourcis sur ma chance ultime, la cachottière septième. Et là ? Ouch. Décor inquiétant d’asile dans lequel un schizophrène complètement pété se chamaille avec ses démons imaginaires qui ne cessent de lui répéter : « kill yourself ». Ouais, c’est ce que je vais faire.

Vous comprenez que SHINING n’a pas remporté son pari. Manque de substance, une coche en dessous de "Within Dark Chambers" en frais d’atmosphères lugubres, de la redondance à ne plus savoir où la foutre… Les Suédois ont cependant réussi à asseoir magistralement leur étiquette royale de l’autodestruction. Ils l’avaient démontré sur "I" et le confirment en poussant le bouchon dans le trou du bain, avec le bébé, la maman, le chien, le grand-papa et la belle-sœur. Pas question, se sont dit les membres de la famille, de rester vivant. Kvaforth les a convaincus que ce qu’il prône sur ce disque peut devenir réalité quand nos oreilles sont plus cruelles que la bourse.

Un précaire 2/5 qui pointe vers le bas. Le plus faible SHINING, sans ambiguïtés.