Clutch est à bien des égards une figure à part du mouvement stoner et de la musique en générale. Nous avons véritablement à faire à un groupe de potes soudés: la formation compte les mêmes membres depuis 1991, sans changement aucun et au rythme d’environ un album tous les deux ans. Choses assez rares pour être soulignées. Ils nous viennent d’un bled du Maryland nommé Germantown et construisent un univers aux multiples influences. Certains y trouveront des réminiscences de punk, de hard rock voir de hardcore parfois avec des touches de funk mais fait certain une construction totalement blues. Surtout en ce qui concerne l’album : Blast Tyrant.

Curieux mélange pour un groupe soi-disant Stoner: nous sommes loin du bayou de Down, du désert de Kyuss ou du brouillard humide des anglais de Cathedral. Et pourtant, Clutch cultive une originalité qui le distancie de ses camarades de la scène mais y appartient en droite lignée. Nul doute qu’il pourrait en être LE leader mais…… !! On ne refera pas le monde. Alors pourquoi « Stoner » ? Deux éléments : la voix et le groove !! Ceux qui n’ont jamais entendu le timbre de Neil Fallon risquent d’avoir un choc. Chaude, caverneuse et incantatoire, un brin soul, elle est reconnaissable entre 1000 et pour le coup aucun comparatif n’est possible avec un vocaliste en activité. J’envie ceux qui succombant à la curiosité recevront leur baptême. Un souvenir intime et fugace, comme toutes les premières fois !! Et ce groove, LE groove, une section rythmique basse/batterie, d’un seul bloc, que seul des musiciens d’une amitié indéfectible peuvent produire. Ça bastonne ou ça se promène aux grès des humeurs et l’ensemble est maintenu par la production (trop ?) soignée de Machine (Hed(pe), Lamb Of God, Rob Zombie…). Quant à Tim Sult, notre guitariste soliste, il n’est pas en reste puisque son jeu offre tout le relief possible au groove de ses camarades. Loin de reproduire un plan de gratte pompeux et éculé à longueur de morceaux, il va chercher le riff qui titille, le travaille et le distord, lui donnant des effets enfumés et hypnotiques.

Les premiers titres de la galette sont rentre-dedans (Mercury, Profits:Doom) et imposent le ton d’entrée de jeu. "The Mob Goes Wild" est un boogie-rock, choisi pour être le « single » de l’album. Entendons par là qui sera choisi pour la promo du disque. Deux plages musicales plus calmes, merveilleusement travaillées et judicieusement placées (à savoir : "The Regulator" et "Ghost") permettent d’aérer l’ensemble malgré quelques titres superflus sur la fin du disque. Quoiqu’il en soit, l’envie de taper du pied ne quitte pas l’auditeur.

L’acquisition de ce « Blast Tyrant » est quasi obligatoire pour tout fan de Stoner qui se respecte et, à bien des égards, il pourrait servir de maitre étalon. Le digipack est rempli de petites illustrations curieuses qui lui donnent un petit côté mystique, encore un plus pour cet album qui n’en manque pas. Cependant, les auditeurs qui auront envie de les voir sur scène risquent d’être déçus. Accompagnant en Europe des groupes comme Motörhead ou Corrosion Of Conformity, ils ne passent quasi jamais dans nos contrées. Leur dernière visite date de mai 2005. En compagnie de Five Horse Johnson, ils ont mis le feu à la Maroquinerie, petite salle parisienne, où un par terre de fan clairsemé mais conquis a assisté à la messe donnée. Espérons qu’à leur retour, nous soyons plus nombreux et donnions enfin le soutien conséquent à un groupe qui le mérite. Pour les (futurs) inconditionnels, jetez vous sur n’importe quel live ou album studio, vous verrez qu’il y a de quoi faire pour patienter.