Voila une chronique que je suis particulièrement heureux de réaliser pour plusieurs raisons : elle va me permettre de procéder à plusieurs mises au point concernant GORGOROTH et peut-être, si toi, ami lecteur, le veut bien, sur le Black Metal en général (oulala si c’est pas une entrée en matière ambitieuse ça, je ne sais pas ce que c’est !).

Tout d’abord resituons un peu le groupe. GORGOROTH est un des ténors du black norvégien, aussi connu des connaisseurs que peuvent l’être SATYRICON, IMMORTAL ou DARKTHRONE. Formé en 1992, GORGOROTH sort en 1994 son premier album, "Pentagram" : opus un peu trop compact et brouillon qui laisse toutefois augurer du meilleur (à l’instar du "Pure Holocaust" d’IMMORTAL sorti une année avant). C’est avec "Antichrist" que GORGOROTH commence sérieusement à trouver ses marques et à imposer son style : un Black torturé, mélancolique, acéré et n’hésitons pas à le dire, « beau ». Le chef d’œuvre est atteint avec "Under The Sign Of Hell" (encore aujourd’hui, je suis fortement secoué par le break avec chant féminin de "Funeral Procession"). Lui fait suite un "Destroyer" de haute volée.
Malheureusement pour les fans, le principal et plus inspiré compositeur du groupe, Infernus, se met ensuite en retrait, ce qui s’avère lourd de conséquence pour GORGOROTH. Lourde étant d’ailleurs le maître mot pour qualifier l’évolution du combo à partir de ce moment.

En effet, "Incipit Satan" pèse des tonnes.
Malgré de nombreux passages voulus brutaux et rapides, l’album ne décolle pas, ce qui tient à un travail de composition négligé ou à tout le moins peu recherché. "Incipit Satan" est en fait représentatif d’un basculement dans la mouvance Black (début des années 2000), caractérisé par un appauvrissement massif des compos et dont les fers de lance ont été MAYHEM ou DARKTHRONE (et, à un moindre niveau, le dernier OBTAINED ENSLAVEMENT). Cette tendance privilégie des riffs répétitifs (« accrocheurs » diront ses amateurs), pauvres musicalement (« efficaces » pour les mêmes) et il faut bien le dire une attitude sataniste ou blasphématoire qui n’est que cela (une attitude). Ce qui en ressort pour cet album, c’est une écoute pénible, lassante tant il en devient imprécis et mal foutu : ce qui domine, si l’on ne force pas son attention, c’est une bouillie sur-saturée de riffs (exemple typique : le début de "An Excert Of X"). Bref, une immense déception pour le successeur du superbe "Destroyer".

Tout n’est toutefois pas à jeter. Il faut sauver "A World To Win", qui par sa complexité et son enchevêtrement de riffs tranchants atteint le très bon (mention spéciale pour le chant déchiré de Gaahl) ou "Unchain My Heart " qui annonce ce que sera la mutation un peu plus réussie entre Black et Death que réalisera le groupe avec "Ad Majorem Sathanas Gloriam" (2006) ; sans toutefois que le groupe trouve avec cette dernière réalisation une formule totalement convaincante (bien que le génial "God Seed" autorise quelques espoirs pour la suite).

Sans céder au syndrome du « c’était mieux avant », cet album montre que le Black a perdu quelque chose de sa densité musicale au tournant des années 2000. Pas de raisons toutefois de démoraliser : si les anciens du style ont cédé à la facilité (DIMMU BORGIR avec "In Sorte Diaboli"), d’autres groupes ont brillamment relevé le flambeau (et parmi eux, ENDSTILLE). Hauts les cœurs !