Troisième album des RED HOT CHILI PEPPERS, The Uplift Mofo Party Plan peut aussi être considéré comme leur premier bon album. Oui, bien sûr, d'accord, il y a eu avant le funk de Freaky Styley produit par le grand George Clinton lui-même. Mais entre nous, droit dans les yeux, il y a beaucoup de mythologie là-dessous. La réalité est sans doute plus mitigée, plus crue - moins enrobée. A moins d'être un furieux défenseur de la discographie des RED HOT, on est forcé de reconnaître que les choses deviennent surtout intéressantes à partir de 1987, les deux disques précédents étant de joyeux brouillons inventifs mais inégaux. Là, les choses deviennent plus carrées. Les compositions font un bond en avant : moins de déchets, moins de baisses de rythme, un style et un son qui, peu à peu, gagnent en maturité. Kiedis, surtout, commence à chanter dans le registre qui sera le sien pour les dix années suivantes. Et surtout - plus important encore -, il y a de vraies petites perles sur cet album, des pépites de funk metal qui inaugurent en fanfare la période faste du groupe.

Car c'est sans doute ce qu'il faut en retenir : si Freaky Styley est habituellement reconnu comme le disque le plus funky des RED HOT, celui-ci est par contre le premier sur lequel les guitares commencent à prendre du volume, à se durcir, acquérant une tonalité plus heavy. Rien à voir encore avec Mother's Milk ou Blood Sugar Sex Magic, qui seront pour leur part bien plus puissants. Mais c'est bien avec The Uplift Mofo Party Plan que la grande communauté du metal va commencer à suivre de près la carrière du groupe : le classique « Fight Like a Brave » ou le très bon « Special Secret Song Inside », mid-tempo groovy et chaloupé, proche de ce que le groupe fera par la suite, sont portés par des guitares nerveuses et indociles. Parfois, comme sur « Organic Anti-Beat Box Band », on commence même à entendre des riffs de hard rock, un peu étouffés - un peu honteux - mais dont l'énergie râpeuse donne un coup de fouet à la musique des RED HOT. Cet album, meilleur que les précédents, est aussi plus équilibré et plus direct. C'est un disque de rock, un vrai. Le premier du groupe.

Autant dire que la « fusion », ce sésame commercial qui remplira les poches des majors cinq ou six ans plus tard, est ici en pleine gestation. Quelques millions de dollars, au bas mot, sont en train de pousser tranquillement, de croître et de mûrir dans l'indifférence générale. Un gros morceau de l'histoire du metal alternatif et du neo est en train de se jouer là. Et tant pis si un « Funky Crime » ou un « Skinny Sweaty Man » plombent l'ambiance et signalent la difficulté des RED HOT à s'extirper du style spontané mais confus qui les a vu débuter. Mother's Milk aussi gardera quelques scories, mais ça n'a pas d'importance : mieux vaut se concentrer sur les bons moments d'un album brillant et virulent qui fourmille d'idées. La basse trépigne et bondit, la musique gagne des couleurs et une force que le groupe ne cessera ensuite de préserver et porter à son plus haut degré d'intensité. Une première trilogie s'achève dans l'histoire des RED HOT, le fric va suivre, puis l'épuisement artistique avec One Hot Minute et le retour en grâce - pop et élégant - depuis Califonication. Une longue route, évidemment.