Pris en sandwich entre Chronophobia et Incubation, Angelus est revêtu de la lourde tâche de trouver sa place entre deux opus magnifiques, le premier ayant permis au groupe de retrouver sa stature au sein de l’underground après quelques années de demi oubli, en parti dû à son étonnant et incompris changement de patronyme, le second établissant un parallèle parfait avec le mythique The Cube, premier album aussi beau que difficilement descriptible.

Les frères Loez ont, comme à leur habitude, fait preuve d’une grande ambition lorsqu’il s’agît de modeler le concept d’Angelus. Le packaging luxueux, le double livret, la police absconse, la plume de Manuel Rabasse, le pinceau de Thierry Petit servent la narration de la mort d’un prêtre et son voyage mental vers un possible infini.

Chronophobia sonnait le retour d’un chant guttural, passablement mis en retrait sur Room Seven, disque plus calme, aux relents dark wave. Le lp nouveau semble vouloir concilier les deux types de vocaux, le sourd grognement originel et un chant très clair qui, à son époque, a fait grincer quelques dents. Nouvel exemple de la navigation d’équilibriste entre plusieurs eaux, toujours froides, qu’a toujours pratiquée SUP. Les bidouillages électroniques n’ont pas non plus disparu, la neuvième plage en est même infestée, au point de se demander si une horde de fans boutonneux de DEPECHE MODE ou NEW ORDER ne viennent pas tout simplement de poser leur tente pour la nuit en toute illégalité. Mais le groupe sait manœuvrer en tenant compte des courants de sens contraire, le capitaine tient le gouvernail avec poigne et aplomb, le risque de dérivation reste limité sinon totalement absent.

A priori donc, cette galette devrait seoir au palais de chacun. Mais si le passage en bouche est agréable, si les différentes saveurs death, pop, new wave ou indus sont analysées avec délectation par les papilles gustatives, le chemin parcouru dans l’œsophage est long et l’estomac a tôt fait de caler devant cette pièce montée sonore. Une mastication longue est alors vivement recommandée pour éviter la crise de foie. Autre épreuve pour le goûteur, les interludes narrés par Vincent Cavanagh, héraut d’ANATHEMA fatiguent la mâchoire. Peut-être serait-il bon de les laisser sur le rebord de l’assiette pour éviter toute mauvaise surprise digestive? Quand le concept pèse trop sur ce qui n’est qu’un simple album de musique. Quand le concept plombe une dynamique tatillonne. Quand le concept peine à vous occuper l’esprit, tourne autour de vous en déroutant votre concentration de l’essentiel, les sons. Concept pas forcément plus intense que celui dont s’enrobent avec grâce les autres opus, mais à la coupe trop voyante.

Tous les adeptes de SUP s’accordent à vénérer The Cube au sang princier, autant pour sa préséance historique que pour son incroyable qualité musicale. Chacun ira ensuite d’un choix très personnel pour lui désigner un héritier. Je ne suis pas de l’avis de ceux prêts à couronner Angelus, disque honnête et sincère, dont la place à la cour n’est nullement à remettre en cause, mais un peu lourd et manquant du liant dont font étal d’autres opus des Valenciennois, notamment le splendide Incubation. Je vois déjà les puristes dresser le sourcil. Peut-être devrais-je éviter de penser SUPURATION quand je parle de SUP, mais cela m’est impossible et je m’en excuse.