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MISANTHROPE - 1666... Théâtre Bizarre (1995)
Par POULARD le 27 Février 2005          Consultée 11083 fois

1666 : date de la première représentation du Misanthrope de Molière. C’est avec le titre annonciateur d’un album dont on se doute que l’accès ne sera pas des plus facile que débute la métaphore filée du théâtre. Sorti en août 1995, ce « 1666…théâtre bizarre » est le premier vrai succès commercial de Misanthrope et marque donc un réel tournant dans la carrière de l’atypique combo français.

Les traditionnels 3 coups débutent la bizarrerie avec le fabuleux « Gargantuan Decline ». Une intro cheap traînante au clavecin plante le décor d’un intérieur bourgeois avant que les acteurs musiciens ne foulent les planches. Voix caverneuse, guitares affûtées et double grosse caisse : tel est le menu de ce festin royal.

Il fait consensus que Misanthrope opère dans le death metal. Pourtant, si certaines productions du groupe ne laissent aucun doute, tel « Immortel » sorti en 2000, ce « 1666…Théâtre Bizarre » est composé de morceaux tellement riches et alambiqués qu’il serait réducteur de le cantonner à ce style si particulier. Ces 11 pièces majestueuses sont composées de parties et séquences multiples et variées : death ou mélodiques bien sûr, mais également tantôt thrash, heavy, purement symphoniques ou acoustiques. Les titres sont longs et l’oreille est sans repère mais c’est avec délectation que l’on se perd dans les méandres du château musical bâti par le groupe. Errer dans ses lugubres et peu engageants couloirs sur fond de mélodies quasi gothique, courrir dans ses catacombes poursuivi par une rythmique véloce ou se reposer à l’écoute une ligne de basse hyper technique devient un plaisir et un jeu nécéssitant de multiples écoutes et une attention particulière pour déceler tous ses recoins.

Toujours en décalage avec les poncifs du genre, le Misanthrope aime prendre son auditeur à contre-pied, rageur là où on ne l’attend pas, il sait brutalement calmer son jeu pour nous offrir des interludes symphoniques agrémentées de cuivres et cordes pompeux et prenants qui nous transportent à la Renaissance tandis que des petits solos nous proposent une accalmie doucereuse et souvent empreint d’une certaine mélancolie qui arracheront aux plus sensibles une larmichette. Les structures surprennent, si bien que la première écoute laissera un goût évident de confusion.

La basse prend sporadiquement la parole seule et émerveille nos oreilles (« Pirouetting through the gloom » ou « La dernière pierre ») ; Moréac impressionne notamment dans sa gestion du slap sur « Trumpets of hypochondria ». Epoustoufflant.

Le clavier se fait moins sentir que sur certains albums des détesteurs du genre humain. Il apparaît moins en nappe pour préférer des chœurs grave et sombre ou un martelage régulier de sons limpides tel le break rapide de « Gargantuan decline », avec un résultat sans doute moins fin et envoûtant que sur d’autres albums mais portant la marque propre au royaume du Misanthrope et à ses contrées peuplées de troubadours en tous genres.

Philippe Courtois de l'Argilière a, comme toujours, porté un soin particulier aux textes, écrits cette fois dans les langues de Molière, Shakespeare et Goethe. Sa poésie déchirante et implorante est chuchotée, parlée, parfois hurlée avec une voix quasi doom. Le leader laisse son âme tourmentée se vider sur fond de lignes pianistiques qui nous plongent dans un salon du XVII comme lui seul sait le faire, ou de passages tirant sur le Black Metal aux riffs destructeurs nous sortant brutalement de notre torpeur.

Il est vrai qu’il faut adhérer aux élucubrations fantasmagoriques, morbides, métaphysiques ou pseudo visionnaires du groupe dont je ne situe pas l’art dans la parole mais la musique. Bien entendu, les fans les plus infectés par le virus Misanthrope s’abreuveront du moindre son sorti de son gosier éraillé et ne seront aucunement décus. De quoi réjouir les interprètes de la psychologie décalée du leader ! De nombreuses références aux penseurs, poètes et philosophes qui alimentent l’imaginaire tortueux du compositeur depuis ses débuts sont présentes et la volonté de nous faire partager son monde est palpable.

Grandiloquent et baroque, agressif et puissant, ce « 1666…théâtre bizarre » pousse très loin le souci du détail. Ses paroles déroutent et captivent, les instruments se déchaînent en chorus ou seuls bien que la production un peu sèche ne leur rende pas toujours hommage.

Chaque titre mériterait à lui seul une bonne demie journée de réflexion, durée que je ne me suis pas accordé, je l’avoue, tant ils rivalisent d’imagination et de loufoquerie. Mais c’est sa force musicale qui vaut à cet album de Misanthrope sa couronne de roi de la scène extrême française et ses 5 étoiles. Sans encourager leur légère tendance à la mégalomanie, force est de constater l’intrépidité, l’ingéniosité et le talent dont font preuve les membres tout au long de ces 68 minutes de musique et de regretter les applaudissements finaux, synonyme de clôture de la représentation. On appuie de nouveau sur « play » ?

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   POULARD

 
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- Philippe Courtois De L'argilière (guitare, chant)
- Jean-jacques Moréac (basse acoustique)
- Alexandre Iskandar (claviers)
- ++ Eric Lecointre (batterie, claviers)
- ++ Renaud Tschiner (chant en allem, , claviers)
- ++ Jean-marc Badoual (guitare)
- ++ Ollivier Gaubert (batterie)
- ++ Charles-henri Moréac (guitare)


1. Gargantuan Decline
2. Courtisane Syphilitique
3. 1666... Théâtre Bizarre
4. L'autre Hiver
5. Pirouetting Through The Gloom
6. Aphrodite Marine
7. Medieval Embroidery
8. Mylène
9. Trumpets Of Hypochondria
10. Schattengesang
11. La Dernière Pierre



             



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