Patrick Mameli dit ne pas comprendre pourquoi tant de formations de death metal ont soudain pris part au revival seventies ou se sont intéressés aux rythmiques heavy metal. Le monsieur regarde vers l’avant et considère certaines attitudes un peu passéistes. La sienne consiste à chercher le dépassement de soi et la rupture de toutes les frontières. Le résultat de cette recherche se nomme Spheres, album qui se veut expérimental et avant-gardiste.

Le voyage commence avec ce son déconcertant, futuriste mais surtout invraisemblable pour une formation qui naviguait à ses débuts dans les eaux marécageuses du death le plus conformiste. PESTILENCE s’est débarrassé de l’encombrant Scott Burns pour faire appel à Steve Fontano, producteur spécialisé dans les enregistrements de guitares et qui a collaboré aux projets de nombreux instrumentistes réputés dont MARTY FRIEDMAN, GEORGE LYNCH ou encore TONY MAC ALPINE. Celui-ci a du jonglé avec vingt-quatre effets différents afin de donner vie à ce kaléidoscope sonore.
Le résultat est surprenant, dérangeant, parfois un peu hermétique, comme en atteste ce grain de guitare froid et robotique qui reste pourtant, avec la voix tourmentée de Patrick Mameli la dernière attache avec un passé que les quatre hollandais semblent vouloir oublier. Le reste de l’instrumentation est une invite à des pérégrinations multidirectionnelles dans un cosmos dangereux. Les guitares synthés omniprésentes proposent des mélodies alambiquées aux sonorités excentriques difficiles à suivre et les soli se nourrissent de notes parfois déconcertantes. Il faut s’armer de beaucoup de courage et de patience pour plonger au plus profond de cet océan d’arrangements imprévisibles et accéder à ses trésors cachés.

PESTILENCE a, en transfigurant son style, perdu tous les adeptes du très réussi Testimony Of The Ancients, qui ont mal compris ce qu’ils ont pris pour une masturbation cérébrale un peu prétentieuse. Ne se reposant sur aucun socle déjà entendu, Spheres est, il est vrai un peu bancal. Il lui manque ce liant qui fait du Focus de CYNIC un chef d’œuvre. Les idées sont nombreuses mais la ligne directrice semble floue. Le propos se fait à certains moments sibyllin et indéchiffrable ce qui fait penser que ces bataves n’ont pas encore les moyens de leur ambition démesurée. De plus, étaler dans le livret des influences telles que CHICK COREA et ALLAN HOLDSWORTH dénote un désir mal compris de vouloir à tout prix effacer un passé que le groupe croit encombrant.

Cette attitude et la musique au caractère imperméable à la majorité dispensée sur cet opus ont plongé PESTILENCE dans un abîme d’incompréhension qui sera leur tombe. Comme il était à prévoir, ceux qui auraient pu s’intéresser à ce disque singulier n’en ont jamais entendu parler ou sont partis en courrant en lisant le patronyme du quartette.

Spheres est le chant d’un cygne en lutte contre la stagnation musicale. Le combat est perdu et ce lp constitue un essai malheureusement sans lendemain.