En 1993, Steve Vai revient avec un nouvel album, Sex And Religion. Et c’est le choc : A la différence de Passion And Warfare, Sex And Religion est un album de chansons, de vraies, avec des paroles et des refrains… Surprise et déception chez les fans ! Et pourtant… Sex And Religion mérite bien plus que le traitement qui en fut fait à sa sortie, tant il est scotchant et prodigieux.

Pour mener à bien cette entreprise fort risquée, Vai s’est formidablement bien entouré, en recrutant le légendaire Terry Bozzio à la batterie (qui a joué avec Franck Zappa, comme Vai), le monstrueux et truculent T.M. Stevens à la basse, et un jeune homme de dix neuf ans pour assurer le chant… Devin Townsend ! Un line-up unique, véritable réunion de talent à profusion. Le résultat de cette alléchante rencontre tient dans cet album proprement unique, une sorte de Pop agressive et ultra recherchée, jamais mièvre (ceci dit, qui en doutait ?), toujours passionnante, frissonnante de feeling. Sex And Religion brasse des flots d’inventivité, de technicité, rehaussés d’un certain mordant, voire d’une colère démente par endroits (le rageur et déconcertant « Pigs »…), tempérés par une belle rasade d’émotion pure (le fabuleux « Touching Tongues » sur lequel Vai tisse une mélodie étonnante, pleine de sonorités inédites, tandis que Townsend nous pourfend de son talent à fleur de peau… et tellement original), et appuyée de refrains entêtants.

Une expérience unique, imprévisible, qui touche à tous les registres, à chaque fois avec brio. Et si l’album connaît quelques passages à vide, il transpire tant d’amour pour la musique qu’on ne peut que remercier ces quatre grands personnages de nous offrir cette heure de jouissance sans retenues. Sex And Religion pétarade de trouvailles, s’épanouit dans une explosion de technique mise au service de la création, consacre le talent souverain et inouï de Steve Vai, et dévoile à mon sens un authentique génie de la musique… Devin Townsend, chanteur d’exception, émouvant, déjanté, sautant d’un monde à l’autre avec une aisance déconcertante – caquetant à la Michäel Jackson sur « Still My Bleeding Heart », étalant sa folie sur « Pigs », effarant de sensibilité sur « Touching Tongues », hargneux sur « Deep Down into My Pain » - et possédant ce petit quelque chose qui me donne l’impression que jamais il ne s’autorisera l’emploi du terme « Limites ». Ce jeune garçon, qui depuis a fait bien du chemin (STRAPPING YOUNG LAD, OCEAN MACHINE, INFINITY, PHYSICIST, ACCELERATED EVOLUTION.. .), semblait déjà capable de tout, hors norme, touche à tout de génie.

Voilà, je me mouille, et utilise ce terme : Génie. Personne d’autre n’aurait pu illuminer de sa présence les compositions de Vai, et se marier aussi harmonieusement avec l’incroyable et irrésistible socle rythmique bâti par Bozzio et Stevens. Je ne sais qu’ajouter... Sex And Religion est un tel kaléidoscope de sensations que je ne pourrais que vous enjoindre à une chose : Ecoutez-le.