Quand j’ai repris en main la discographie de Serj TANKIAN, illustre leader (ou plutôt chanteur) de SYSTEM OF A DOWN, j’aurais plutôt dû me couper une couille, ç’eut été moins douloureux. J’ai ainsi enchaîné les chroniques de "Harakiri", de "Elasticity" et de "Perplex Cities" et son jeu de mots aussi foireux que le contenu de la galette. Sur une pente digne du toboggan « Kamikaze » de l’Aqualand d’Antibes, le barbichu est l’illustration parfaite de l’adage : « on ne peut pas être et avoir été ». C’est donc avec une légitime circonspection que j’ai abordé l’écoute de cette nouvelle fournée – encore un EP, mais c’est peut-être mieux ainsi – tombée à l’improviste en cette rentrée 2024. Homme de peu de foi que je fais ! Le résultat montre que le bougre a encore un peu de flamme dans les tripes.

Bon, n’allez pas vous attendre à un miracle, hein ! Ce n’est pas non plus la panacée, et encore moins un retour aux heures glorieuses, mais l’animal a retrouvé un brin de mordant, ainsi qu’un peu d’envie à l’idée de retrouver ses amours de jeunesse pour le Rock et le Metal. C’est déjà une bonne nouvelle en soi, tant l’EP précédent constituait une véritable impasse expérimentale et arty frisant le grotesque. Les guitares sont donc de sortie, et on a même le droit à des moments de folie colérique du trublion américano-arménien, avec des cris comme l’ami Serj ne nous en avait pas servi depuis… pfff, je ne sais même pas quand !

Cinq pistes au menu du coup, pour retrouver Tankian à un niveau plus correct, y compris dans l’utilisation de son organe. La voix est moins nasale que par le passé, il s’essaie à un chant plus grave, comme sur la première track ("A.F. Day", soi-disant écrite à la grande époque) plus que sympathique, pousse moins sur les aigus, sans pour autant faire l’impasse sur ses lignes orientalisantes si caractéristiques, mais disons que c’est bien mieux dosé. Côté composition, l’ami retrouve un brin d’inspiration. On pourrait presque s’imaginer ce qu’elles auraient donné si elles étaient passées à la moulinette Malakian. On n’était pas loin de toucher du doigt des bribes de SOAD ici et là.

La construction rythmique de "Cartoon Buye" s’avère à ce titre particulièrement originale et démontre la créativité ressuscitée de l’artiste de façon assez éclatante. Les chansons ont visiblement d’ailleurs toutes été écrites à différentes périodes de sa vie, de SOAD à "Harakiri", c’est donc le fond de tiroir que nous sert l’ami Serj, mais force est de constater que ça tient malgré tout la route, même si l’hétérogénéité de la chose se ressent à l’écoute (y compris au sujet des prises de voix, qui me semblent s’étaler sur plusieurs décennies).

Question mélodique, le chanteur évolue ainsi dans un registre évoluant entre son premier opus, le plus que recommandable "Elect The Dead", et son successeur, "Imperfect Harmonies" ("Justice Will Shine On", correcte mais sans plus), et bénéficie de sa touche unique en la matière. Impossible de ne pas reconnaître du Tankian dès la première écoute, même si parfois il ne peut s’empêcher de s’auto-plagier quelque peu, comme sur le conclusif "Live Revengeful Son", où l’emphase prend le pas sur l’histoire qui nous est contée.

Après, restons réalistes : au niveau instrumental, ça ne vole pas très haut, ce n’est rien de le dire (et encore moins de l’écrire). Aucun riff marquant, une batterie totalement anonyme, des arrangements Protoolsesques, ça sent le truc majoritairement fait de bric et de broc devant son ordinateur entre deux causes humanitaires et un pamphlet initié en compagnie de Morello trois ans auparavant. Mais ne soyons pas trop exigeants avec le bonhomme que l’on croyait mort pour la cause. "Foundations" s’écoute plutôt bien et renoue de fil d’une carrière qui partait quand même un peu en bourrée d’andouille.

Note réelle : 2,5/5, arrondi à la hausse pour le sursaut d’orgueil.