Mon diable que m’as-tu fait ABIGOR ? Emporté dans ta hargne, dans ta furie insaisissable voilà que tu hérisses le ciel d’éclairs ténébreux et dissonants. Et tu as su ne jamais t’en repaître depuis le virage amorcé de "Fractal Possession". Pire tu as plongé depuis lors tous les démons au sein des abîmes où fraient les pires horreurs, où se tordent et se torturent les âmes et où se décomposent l’humanité. Et tu le sais bien, fier ABIGOR, que tu disposes de tes armes redoutables et redoutés qui font passer tes ennemis et ta concurrence pour de tendres brebis. À l’assaut des mélodies tu les as tout simplement décortiquées puis fracassées et concassées pour en faire une pâte base totalement possédée par l’esprit du Mal. Et tu auras beau conter cela à l’ange déchu, à celui porteur de lumière qui a chu – Lucifer - tu sais bien ABIGOR que tu terrasseras et anéantiras avec appétit les quelques restes humains qui osent encore se dandiner devant toi. Tu es cette chose épouvantable et débectante, et tu nous survivras !

Et l’on ressent la passion que tu mets à mastiquer ton Black Metal dans tes crocs acérés, dans ta gueule rempli de visqueux et corrosifs fluides. Ne continues-tu pas à entreprendre les pires saloperies dans ton esprit diabolique ? Fantasmes-tu toujours les horrifiantes tortures que tu affectionnes pour assouvir ton besoin de violence ? Oh mon diable que de montagnes d’angoisse et de cris violés n’as-tu pas érigés ? À l’assaut du bien, ABIGOR tresse sept barbelés pour estropier et condamner l’homme à errer, et cet album n’en est que le réceptacle funeste et incanté. Silenius en est le conteur acharné et sa diction vocale tout à la fois vociférante et quasiment parlée ne laisse aucun répit à l’esprit. "Leytmotif Luzifer (The 7 Temptations Of Man)" est un enfer sans nom de bien évidement sept titres mais dont certains condensent un nectar épouvantable. Je pense notamment à l’envoûtant "Temptation V - Neglect", ou la dinguerie "Temptation VII - Excessus" qui inlassablement nous fait perdre pied et glisser en nous. Pas simple de se farcir les onze minutes de ce dernier titre de l’album, et si vous y parvenez, accrochez-bien votre âme avant qu’elle ne s’arrache de votre corps, car, aimanté par les riffs saillants de P.K et les interminables coups de semonce de T.T, elle aura tôt fait de s’amouracher de ABIGOR.

ABIGOR - bien plus encore que sur les albums précédents - métamorphose son Black Metal avec des composantes dissonantes et des riffs finement juxtaposés qui s’agglomèrent les uns aux autres pendant plus de cinquante minutes écrasantes et étouffantes. Et je dois vous l’avouer cher lecteur, j’avais passablement boudé cet album lors de sa sortie, ayant eu la rancœur tenace depuis le virage de "Fractal Possession". Je restais coincé avec les albums des années 90 notamment le fabuleux "Nachthymnen (From The Twilight Kingdom)", ou le non moins inintéressant "Opus IV". Oui mais voilà l’écoute récente de "Taphonomia Aeternitatis - Gesänge Im Leichenlicht Der Welt" a quelque peu rabattu un peu les cartes. Je concède volontiers que ce dernier album est saisissant, cruel et froid. L’ignorer serait passer à côté d’ambiances gravement maléfiques et intenables. N’est-ce pas la définition même de ce que doit-être le Black Metal ? Alors n’ourdissons pas la beauté du Mal et admirons sa flamme brûlante irradier nos cœurs.

ABIGOR réussit toujours à sortir des albums au-dessus de la mêlée et quoiqu’on pense de leur discographie peu de leurs albums sont passables. Je reste pourtant encore en difficulté face à tant de dissonances accumulées mais il est clair que ABIGOR trouvera son public. Il sera de la pire espèce, de celle des damnés et des infâmes. Gloire et louange à ces pâles démons qui sous les ailes déchiquetantes de ABIGOR auront de quoi sustenter leurs besoins instinctuels.