Tamás Kátai n’en finit pas d’épancher sa soif d’exploration. Maître d’œuvre dans l’art de créer de nouvelles tessitures, de nouvelles mixtures sonores, il nous assaisonne cette fois-ci d’un Avant-Garde Metal beaucoup plus sombre et semblant de prime abord davantage conventionnel, comme un retour aux sources. Pourquoi ? Disons que notre cher Hongrois qui apparaît avec son sourire en coin sur la pochette, nous nargue encore un peu plus en nous livrant un opus résolument tourné vers ces premiers amours : le Metal à consonance extrême, Deatheux et mélodique à la fois. Il sera toujours impossible de catégoriser "Alföld", tout comme les autres albums d’ailleurs qui l’ont précédé. Cet objectif est vain et ne serait que de l’obstination déraisonnable, car si vous ne le savez pas, "Alföld" est déjà son onzième album – de l’eau a bien coulé sous les ponts. La discographie de THY CATAFALQUE s’est toujours voulue assez hétérogène et disparate, chaque album fusionne l’ensemble de courants musicaux tels que l’IDM, l’Indus, le Metal sous toutes ses coutures, voire le Néoclassique, l’Ambient et le Gothique ; l’objectif étant à chaque fois de faire ressortir la quintessence même de leurs expressions intrinsèques et de mettre à jour leur embryon.

Voyez par vous-mêmes ! Sur "Alföld" quand le sieur growle, c’est tout un petit monde très Death Metal ou Doomesque qui prend la route et pour la meilleure qu’il soit je vous prie. Car même dans cette lourdeur musicale, l’esthétisme point. Les montées lyriques sont très bien amenées et ne laissent présager qu’à la dernière seconde leur propre apogée. La présence d’une voix féminine, celle de Martina Veronika Horváth amène ce titre de près de presque dix minutes vers une autre ambiance, à la fois éthérée et poétique.

THY CATAFALQUE est une expérience qui ne suffit pas à elle-même, c’est une sorte d’alchimie d’une formule sortie d’un grimoire factice et a minima visionaire. Nous pourrions rapprocher la démarche de Tamás Kátai de celle de Vicotnik de DØDHEIMSGARD. Si les deux ne se connaissent pas, ils pourraient avoir tout le loisir de copiner et de se trouver de vraies accointances, comme deux bons voisins car ces bougres partagent le même filet, aux mailles serrées, qui draguent le fond des abysses à la recherche d’une faune inconnue et jamais observée. Prenons "Néma Vermek", notre sâdhu norvégien semble y faire une apparition, à moins que ce ne soit une hallucination de ma part, ce qui est plausible. Mais cette dérive décadente des mélodies vers des consonances Electro comme l’avait tant fait l’album précédent "Vadak" sature mes récepteurs de dopamine. "A Földdel Egyenlő" serait du même acabit, une pièce musicale envoûtante, biberonnée à la rêverie et atmosphériquement saluée par les étoiles.

À la différence de DØDHEIMSGARD, THY CATAFALQUE marche cependant sur une pente plus douce, plus "mainstream" que nos furieux Norvégiens. Son propos est un poil plus accessible mais encore une fois chacun de ses albums comportent des titres extrêmes et des tracks disons-le comme cela, plus brassées par la douceur."Folyondár" est une piste Science-Fi, flûte, alto virevoltant, mouvements Électro détectés par on ne sait quelle sonde et convolant vers une destination crasse ou envoûtante. Les expérimentations sont légion sur cet album qui n’aurait comme devenir que d’être un patchwork poudré des enfers. Tout ne fait pas preuve d’excellence sur cet "Alföld", "A Felkelő Hold Országa" est une pièce aux relents Indus un brin monotone et pas des mieux inspirés.

Néanmoins, il nous faut saluer encore cet essai de Tamás Kátai, l’un des plus sombres de sa discographie. C’est un album digeste et facilement assimilable pour l’organisme mais fourmillant, à l’image du nombre d’invités de musiciens sur l’album. La production est léchée et puissante. Encore une belle épopée à se mettre au creux des oreilles !