Tamás Kátai est considéré, dans l'underground, comme un des leaders du Metal avant-gardiste. Cet Hongrois aux allures d'Albert Einstein croisé avec un libraire est un créateur particulier, qui depuis le début de THY CATAFALQUE en 1999, mélange une foule de genres comme l'Electro, le Black, le Jazz, l'Indus, l'Ambiant, etc. "Geometria" est la huitième preuve que Tamás n'est pas à prendre à la légère et que sa sensibilité, accouplée à un penchant certain pour l'extrême (dont le sommet a été atteint sur l'album "Sgùrr"), fait de lui un enfant terrible à ne pas quitter du regard.

"Meta" annonçait une certaine brisure avec le terriblement bon "Sgùrr", en étendant ses tentacules dans plus de champs des possibles. Plus chaleureux, rond et enivrant, il évoquait aussi "Róka Hasa Rádió", album-carrefour de THY CATAFALQUE. C'est une suite assez logique que nous offre Kátai avec "Geometria", autre créature à l'allure baroque.

La formule de l'entité n'a jamais vraiment changé. On cabote sur une mer en dents de scie, tantôt violente tantôt jouissant de mirifiques accalmies. Le Soleil ne réchauffe pas toujours ces pièces plus légères, complexes, doucereuses et bercées d'une agréable féminité, car l'univers de THY CATAFALQUE est avant tout mélancoliquement abstrait. Le violon déchirant et le chant magnifique de Martina Veronika Horváth en sont les sources principales, notamment sur "Hajnali Csillag", la très bonne Dark Pop "Töltés", la lumineuse "Balra A Nap" et l'entraînante "Tenger, Tenger" avec sa jolie dualité de chants.

Tamás Kátai nous gratifie comme d'hab' de quelques riffs lourdauds à la TRIPTYKON, soit ceux de "Szamojéd Freskó", "Sárember", "Lágyrész", et la clôture "Ének A Búzamezőkről". Or, les aérations ambiantes et les notes éplorées à la sèche ou au synthé ne sont jamais loin pour nous rappeler que le maître du jeu est surtout attiré par une musique groovy-electro obscure. Notons aussi la très cool mid-tempo "Sík", qui semble sortie du dernier COBALT ! Bref, le Black d'avant est pratiquement tout évacué.

THY CATAFALQUE demeure de l'Avant-Garde, alors il est normal de nous faire mener par le bout du nez et de se sentir désorienté. Le Hongrois râtelle tellement large qu'il est difficile de rameuter tous les moutons égarés, ce qui injecte une énième dose de mystère autour de l'œuvre. Une curiosité à la durée de vie extensible, copieusement lézardée de harpons et de passages vrombissants. Il filtre de cet album une aura sensuelle également, les rythmiques bien enrobées de Kátai font crépiter les imaginations un peu trop fertiles… Mais bon, ce n'est pas une obligation !

Ce qu'on retient avant tout de ce "Geometria" est une structure à géométrie variable, à plusieurs facettes contraires et complémentaires, indomptable et pigmentée de teintes grises subtiles. À ranger auprès des quatre albums antérieurs sans problème.

Il est ardu de ne pas aimer le style de Tamás Kátai si on kiffe le moindrement la musique disjointe. Véritable énigme depuis bientôt vingt ans, le Hongrois de 42 balais ne cessera jamais de nous étonner… Mais merde, il faut être d'une patience et d'une ouverture d'esprit à toute épreuve ! Quand la glace est brisée, on peut se laisser aller…

Podium : (or) "Sík", (argent), "Sárember", (bronze) "Töltés".

Indice de violence : 2/5.