Savoir surfer sur l'actualité des groupes de son écurie est certainement l'une des spécialités de Nuclear Blast. Le label allemand, véritable poids lourd du Metal, en fait souvent des caisses en termes de marketing et de communication et sa putasserie est parfois à la limite de celle d'une Major. Mais y a le bon surfeur et le mauvais surfeur. Le mauvais surfeur, y voit une vague, y prend sa planche, y surfe… et le bon surfeur, y voit une vague, y prend sa planche… y surfe quoi. Mais c'est un bon surfeur ! En l'occurrence, s'agissant du tout dernier Split E.P., Nuclear Blast nous offre une performance digne d'un Kelly Slater en bonne forme puisqu'il propose un objet musical de grand intérêt, surfant sur les sorties récentes ou imminentes des trois formations ici réunies : FIT FOR AN AUTOPSY, THY ART IS MURDER et MALEVOLENCE.

Dans la droite ligne de "The Depression Sessions", précédent Split E.P. réunissant déjà les deux premiers nommés en 2016 aux côtés de The ACACIA STRAIN en lieu et place d'un MALEVOLENCE qui n'en était encore qu'à ses débuts indépendants, "The Aggression Sessions" permet aux fans des trois groupes de se mettre de nouveaux titres dans les esgourdes depuis la sortie de leur dernier album ou en attendant la parution du prochain. Si mes estimés camarades Kol et Fenryl vous auront déjà parlé des morceaux de FIT FOR AN AUTOPSY et MALEVOLENCE à l'heure où vous lirez ma chro, je suis beaucoup moins aise de vous parler de ceux de THY ART IS MURDER. Car si le quintette australien est celui dont l'actualité est la plus chaude, avec un album live en juillet dernier et un sixième album studio prévu pour mi-septembre, il est aussi – et malheureusement – le moins inspiré des trois sur ce disque partagé.

J'ai beau être bien plus fan du THY ART IS MURDER récent, plus Death et plus Mélo, que de l'ancien, beaucoup plus authentiquement Deathcore, la nouvelle compo que nous fournit ici le groupe, "Until There Is No Longer", donne le sentiment d'un groupe qui se repose sur ses lauriers. Non pas qu'elle ne soit pas accrocheuse, car elle l'est un minimum, ni qu'elle oublie les ambiances sinistres dont le groupe nous a habitués… Mais elle n'apparaît nullement comme un single potentiel, le genre de titres sur lequel un nouvel album peut (justement) surfer pour glisser vers un nouveau succès. L'agression est au rendez-vous, certes, mais la violence est quelque peu atténuée par rapport aux deux albums précédents. Et le sens du hook et du riff qui tue qu'y déployaient les Australiens est ici moins évident. THY ART IS MURDER ramollirait-il ?

Il n'est nullement ici question d'amoindrir la performance instrumentale des cinq musiciens, car tous sont au niveau qu'on leur connaît et les vocaux de CJ McMahon font toujours aussi plaisir à entendre. Mais "Until There Is No Longer" est clairement le maillon faible des trois compositions originales fournies ici par les trois formations. Le drame, pour THY ART IS MURDER, c'est que la reprise qu'il propose sur "The Aggression Sessions" est aussi la moins bonne – et surtout la plus inutile – des trois que contient la galette ! Il faut dire que reprendre l'un des plus gros monuments de l'Histoire du Death Metal était doublement casse-gueule. Difficile de faire plus vicieux que CANNIBAL CORPSE au moment de réinterpréter le mythique "Hammer Smashed Face". Et puis, "réinterpréter" est un verbe (trop) fort car THY ART IS MURDER se contente ici d'une cover tout ce qu'il y a de plus scolaire, puisque le groupe suit à la lettre la composition d'origine. Or, n'est pas Alex Webster, Paul Mazurkiewicz ou le Chris Barnes de 1993 qui veut.

Dommage pour les Aussies mais là, ils se sont plantés. Et plantés d'autant plus fort que leurs camarades américains (FIT FOR AN AUTOPSY) et britanniques (MALEVOLENCE) les battent à plates coutures tant au jeu de la composition originale que de la reprise. D'ailleurs, les premiers s'illustrent davantage côté morceau tout neuf alors que les seconds transcendent tout bonnement la cover qu'ils ont choisie. Maintenant que j'ai dit ça, il faut bien que je vous parle des titres de FIT FOR AN AUTOPSY et MALEVOLENCE, même si Fenryl et Kol se sont déjà amplement exprimés à leur sujet. Parce que le "Hellions" que nous balancent les Amerloques est une sacrée tuerie, largement au niveau de leurs deux précédents et splendides longue-durée, "The Sea Of Tragic Beasts" et "Oh What The Future Holds".

Non seulement Joe Badolato continue de tout défoncer micro en mains et de s'affirmer comme l'un des trois meilleurs vocalistes de Deathcore de ces dernières années, mais la triplette de gratteux Putney/Sheridan/Howley nous offre à la pelle riffs, leads et ambiances de dément en à peine plus de quatre minutes. Quant à la section rythmique Orta/Spinazzola, elle groove toujours aussi fort et les breaks dont elle nous gratifie écrasent tout sur leur passage. Quel tube, mes aïeux ! À côté de "Hellions", le "Waste Of Myself" de MALEVOLENCE apparaît drôlement sage et anecdotique, alors qu'il s'agit pourtant d'une fort bonne composition. Riche en groove elle aussi, elle dévoile un combo britannique en pleine forme, dont le Metalcore se rapproche toujours plus du Groove Metal d'un LAMB OF GOD en pleine possession de ses moyens. C'est gras sans être lourdaud, percutant sans être assommant, et la dynamique du morceau, avec seulement 3 minutes et 21 secondes au compteur, ne retombe jamais.

Battu côté nouvelle compo, donc, MALEVOLENCE prend sa revanche avec le plus grand des brio au rayon reprise. A-t-on entendu récemment meilleure réinterprétation d'un tube Pop – car c'en était un gros ! – façon Metal que ce "Left Outside Alone" chipé à ANASTACIA ? La réponse est non, et pour cause : le groupe a tout metallisé/metalcorisé de la chanson originale, du chant aux lignes mélodiques, de la rythmique aux atmosphères, pesantes et pleines de souffrance. Alex Taylor reprend magistralement le texte de la chanteuse américaine et se l'approprie avec une grande variété d'émotions qui prennent aux tripes, sans vouloir jamais singer le chant très Soul d'ANASTACIA. Et heureusement ! Cette fois, c'est bien FIT FOR AN AUTOPSY qui doit s'incliner devant le talent des cinq de Sheffield. Car aussi bien troussée que soit sa cover du "Under A Serpent Moon" d’AT THE GATES, très proprement réactualisée en termes de son et d'interprétation, cela reste un morceau de Melodeath repris par un groupe de Deathcore Mélo, sans aucune surprise à l'horizon.

La principale surprise de ce Split E.P. reste que malgré ses (très) hauts et ses (quelques) bas, le disque offre de nombreux intérêts pour les amateurs des trois groupes, qu'ils apprécient l'ensemble de ceux-ci – c'est mon cas – ou qu'ils n'en connaissent qu'un ou deux sur les trois. Ce parti-pris d'offrir à chacun l'espace d'une nouvelle composition et d'une reprise fait que, quel que soit le bout de la lorgnette que l'on choisit, on peut voir et entendre MALEVOLENCE, FIT FOR AN AUTOPSY et THY ART IS MURDER sous un jour positif. Enfin, un peu moins positif que les autres pour THY ART IS MURDER mais pour qui ne connaît pas la bande, "Until There Is No Longer" et cette version de "Hammer Smashed Face" ne les dégoûteront pas du groupe. L'honneur est sauf !