Certains artistes devraient sérieusement reconsidérer leur rapport au Single. Et je ne parle pas ici des extraits digitaux d'albums à venir, simples previews à streamer où à télécharger afin de patienter en amont de la sortie du prochain L.P., mais du bon vieux Single, le vrai, celui que l'on pressait sur disque pour le commercialiser en bonne et due forme. Le genre de support qui mérite, à mon sens, un minimum d'attention quant au produit fini et une certaine considération du public visé. Et je n'évoque pas ici le seul objet mais aussi son contenu musical.

Parce qu'en termes d'objet, le 7 pouces – le bon vieux 45 tours, pour faire court – peut-être l'occasion d'une belle sortie, d'un produit intéressant et certainement collector, à l'heure où le vinyle revient en force et se trouve de nouveau prisé par les groupes de Metal. On aurait pu penser que THY ART IS MURDER se sortirait les doigts au moment de publier, en 2018, son unique Single physique à ce jour, "Death Perception". D'autant qu'il s'agit là du dernier témoignage studio de la présence de Lee Stanton derrière la batterie, lui qui aura passé treize ans dans la formation australienne et faisait partie des ultimes membres fondateurs encore actifs en son sein.

Mais non, "Death Perception" n'est pas vraiment à la hauteur et ne justifie aucunement l'achat. Pourtant, sur la forme, Nuclear Blast, le label du quintette de Sydney à l’international, a essayé de ménager les apparences. Une peinture soignée d'Adam Burke en guise de pochette. Et un vinyle pressé en deux versions de couleur différente, l'une jaune, l'autre verte, publiées chacune à deux cent cinquante exemplaires pour un disque assez exclusif. Mais c'est sur le fond que ce 7" n'est pas à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre d'un THY ART IS MURDER qui sortait d'un "Dear Desolation" de très bonne facture et intéressant sur le plan musical.

Comme souvent dans l'histoire du 7 pouces depuis que le format existe, la face B ravit la vedette à la face A. Seulement, cette face B ne contient rien d'autre que la version remasterisée d'un titre sorti deux ans plus tôt sur iTunes et Spotify, "No Absolution". Un morceau tout-à-fait accrocheur et qui préfigure le tournant définitivement mélodique que prendront les riffs d'Andy Marsh et Sean Delander sur "Dear Desolation", mais qui n'a, hélas, rien de nouveau. Si l'on prend plaisir à l'entendre dans une version un peu plus nette, quoique l'originale avait un léger côté brut loin d'être désagréable, ledit plaisir ne saurait occulter le fait que THY ART IS MURDER ne fait ici que recycler. Ce qui pourrait passer comme une lettre à la poste si la face A était de grande qualité…

Or, ce n'est pas le cas. Le morceau-titre, "Death Perception", du haut de ses 2 minutes et 34 secondes riquiqui, n'est pas terrible du tout et ne correspond en rien au genre de morceau auquel on consacre un 7 pouces éponyme. Il n'en a pas les épaules. Lui aussi arc-bouté sur des inspirations Death Mélodique et des passages plus sombres et grandiloquents à la BEHEMOTH, comme sur un bon tiers des titres de "Dear Desolation", qui viennent s'intégrer correctement mais sans surprise dans l'environnement Deathcore de THY ART IS MURDER, "Death Perception" déçoit car il n'est même pas certain qu'il aurait pu figurer sur l'album précédent, qualitativement parlant.

C'est simple : c'est comme si THY ART IS MURDER avait jeté quelques idées pêle-mêle sur la bande (c'est pour l'image) en priant très fort (ce qui ne ressemble en rien à ces anticléricaux patentés) pour qu'elles finissent par s'arranger en un parfait collage, digne des plus grands plasticiens. Erreur ! Non seulement le morceau est absolument sans surprise en termes de contenu, puisque tout ce qu'il propose était déjà présent, en mieux, sur "Dear Desolation", mais en plus, il n'a rien de remarquable sur le plan de la composition. Il ressemble à une chute de studio et pour la face A d'un 7" censé être exclusif, ça la fout mal.

Franchement, si l'amateur du groupe de Sydney pouvait se laisser caresser par l'idée d'acquérir cet objet collector qu'est "Death Perception" à sa sortie, aujourd'hui, il faut vraiment être un fan hardcore de THY ART IS MURDER pour aller le soutirer à l'un de ses propriétaires, si tant est que les quelques centaines d'exemplaires du disque aient effectivement été vendus… Autant l'écouter en streaming ou après l'avoir téléchargé et l'oublier dans la foulée.