La carrière de LOVEBITES était annoncée comme étant terminée lors du départ de Miho (basse) en 2021. Jusque-là, le groupe avait enchaîné les albums, les EP et les Lives à un rythme inhumain, digne de certains mangakas (et la plupart finissent par développer des maladies plus ou moins graves avec le temps suite à leurs conditions de travail). Là, les fans se trouvaient comme les lecteurs de "Hunter X Hunter", esseulés, à ne pas savoir quand va sortir le nouveau tome. Mais les Japonaises ont du répondant et elles vont s’offrir les services de Fami, une très jeune bassiste, et vont remettre le couvert dans la foulée et sortir ce "Judgement Day" qui nous intéresse ici.

La pochette ne change pas trop des schémas habituels de la formation, on retrouve ce loup qui figurait déjà sur la jaquette du premier essai ; cette fois-ci, il explique soit à la Justice sa façon de penser, soit il exprime son mécontentement à la pesée de l’âme, allez savoir, chacun est libre d’interpréter cela comme il le désire. Néanmoins, il contient la promesse que cela va envoyer du bois, dans la posture du loup ou au travers l’agressivité présumée des serpents. Pour savoir si elle va être respectée, il suffit de poser le disque sur la platine.

Et là, ce n’est pas une mandale que l’on se prend, mais deux. Pour cette année vierge dans le curriculum vitae des jeunes filles. Elles n’hésitent pas un instant à nous le faire payer en nous balançant ce qu’elles savent faire de mieux, à savoir un Power Metal qui se prend pour Attila : là où leurs riffs passent, les tympans ne repoussent plus (1). Contrairement aux formations modernes du genre qui puisent leur inspiration chez SONATA ARCTICA, elles campent sur leurs positions et restent très attachées à celui des origines, lorgnant grandement du côté d’un HELLOWEEN, d’un GAMMA RAY, voire d’un BLIND GUARDIAN.

La jeune Fami a rapidement pris ses aises au sein de LOVEBITES, sa basse est très présente, on l’entend bien ronfler sur les différents morceaux, quand elle ne s’offre pas une introduction comme sur "Stand And Deliver". Elle participe grandement au rendu Heavy de l’ensemble. Les jeunes femmes ne proposent pas une seule balade, elles gardent constamment le pied sur le plancher et l’ensemble est majoritairement speed, même si elles placent quelque mid tempo pour aérer quelque peu le tout. Heureusement d’ailleurs, parce qu’elles ont vraiment un esprit revanchard.

Elles l’annoncent d’entrée de jeu avec "We Are The Resurrection". L’introduction est épique, mais bien vite cela se transforme en une bataille rangée, où les filles attaquent à coups de riffs agressifs à souhait. Asami chante avec beaucoup de conviction et on remarque que les refrains se font moins nébuleux, ils prennent plus de consistance et cela est confirmé dès "Judgement Day", le morceau suivant. Mais elles ont plus d’une corde à leur arc et elles s’échinent à varier quelques petits plaisirs (et pas forcément coupables).

Aussi, elles vont de temps en temps lorgner vers des choses un peu plus thrashy, ou elles vont tenter quelques effets inédits, comme ces chœurs guerriers sur "Stand And Deliver", agressif à souhait. Ça tabasse, c’est énergique et c’est jouissif : le Power, dans sa forme la plus simple, c’est comme ça qu’il devrait toujours sonner. Pourtant la production est volontiers un peu brouillonne par moments au niveau des guitares, qui deviennent fluides au moment des soli, mais cela ne nuit pas au charme de ce disque frondeur et sans concessions.

Pourtant, ce disque ne finit ni en sélection, ni même à cinq étoiles. Pourquoi ? Il y a plusieurs raisons à cela et certaines coulent de source : les LOVEBITES se renouvellent peu d’album en album, elles ont une formule qui fonctionne bien, dessinée à grands traits sur le premier essai, peaufinée sur le second et confirmée par la suite ; ici, ce n’est qu’une simple continuité de ce qu’elles savent faire de mieux, sans véritable prise de risque si ce n’est ici de négliger toute forme de balade pour ne proposer que des titres enlevés et puissants, ce qui peut fatiguer à la longue. Mais là encore, elles ont l’intelligence de varier la sémantique pour éviter de trop répéter les mêmes gimmicks de chansons en chansons (cf "Dissonance" et "Soldier Stands Solitary" qui ne fonctionnent pas de la même façon).

Ensuite, il s’agit de Power Metal, genre qui peine à se révolutionner et où tout semble déjà avoir été dit. "Judgement Day" est un disque qui s’inscrit dans une mouvance nostalgique de la fin des années 80 et du début des années 90 et il en deviendrait presque prévisible dans sa forme. En revanche, ce qui va le sauver – comme les opus précédents ceci dit – réside dans la qualité d’écriture des demoiselles qui savent mener leur barque. C’est solide, c’est vif, ça fonctionne très bien, mais ça a l’originalité d’un caillou au fond d’une rivière, une expression qui en soi ne veut rien dire mais qui est assez éloquente.

Ensuite, il y a ce clavier daté qui surgit sur "Wicked Witch" et qui est assez infâme. Quand on parle de nostalgie des années 80, nous sommes en plein dedans. Et pour le coup, ça gâche tout le potentiel de ce titre qui avait de quoi faire son nid. Cela reste bien entendu une appréciation très personnelle, mais elle a fait pencher la balance d’un certain côté. C’est dommage mais pour ma part, on frôle la faute de goût ici.

Quoiqu’il en soit, ce quatrième album reste solide et s’inscrit de façon pertinente dans la continuité de ce que les jeunes Japonaises ont construit jusqu’ici avec LOVEBITES, au point où le groupe devient immédiatement identifiable à la première écoute tant leur style est marqué. Il leur faudrait pouvoir se produire sur une grande scène, genre au Hellfest, pour pouvoir conquérir le monde ou, au contraire, rester cantonnées au Pays du Soleil Levant à jamais. Ça, seul l’avenir nous le dira. En tout cas, "Judgement Day" s’impose déjà comme l’un des meilleurs albums de Power Metal de l’année.

(1) Et si quelqu’un veut bien se dévouer pour relire toutes mes chros et kro-x pour savoir si je l’ai déjà faite celle-là, il aura ma reconnaissance éternelle.