On ne va pas vous ressortir la rengaine habituelle, celle qui consiste à analyser les albums rétrospectivement, selon leur positionnement dans la discographie de leurs créateurs. Mais tout de même, en ce qui concerne The ANSWER, il faut bien reconnaître que la période de conception des albums du groupe a eu un fort impact sur la teneur et l’impact de ces derniers. "Rise", coup de poing initial, rassemblait essentiellement des morceaux conçus sur une période de cinq ans, entre la formation du groupe et cette première opportunité sérieuse d’enregistrement, puisqu’il avait fallu trois ans au groupe pour obtenir un contrat d’enregistrement. Il y avait alors l’embarras du choix. "Everyday Demons", son cadet, bien que publié trois ans plus tard, a été conçu sur une période de trois mois, et cette urgence se ressent, naturellement. Rapide et furieux, il donne une image délectable, mais également biaisée, de la personnalité du groupe irlandais, qui n’a pas ici hésité à mettre du AC/DC dans son LED ZEPPELIN. AC/DC, justement, donnera au groupe une chance incroyable de toucher un public plus large, puisque The ANSWER donnera, en 2009 et 2010, plus de cent vingt concerts en ouverture des patrons dans le cadre de la tournée Black Ice, un périple qui sera documenté sur l’album live "412 Days Of Rock’n’Roll" publié en 2011. Sur un nuage, le groupe s’est attelé à l’écriture de son troisième album avec la satisfaction du devoir accompli, sans pression si ce n’est celle de ne pas décevoir ce nouveau public gagné à la sueur de son art. Et, pourquoi pas, proposer son album définitif, ce fameux album intemporel qui marque les esprits et les corps. "Cette fois-ci", déclare alors le chanteur Cormac Neeson, "les choses se sont faites naturellement, avec pour ambition de faire en sorte que chaque chanson compte. Le fonctionnement actuel de l’industrie musicale ne permet pas l’approximation, il faut que l’on fasse de notre mieux tout le temps".

Il est certain que The ANSWER s’est appliqué. Le groupe s’est remis à la tâche rapidement, très peu de temps après avoir achevé sa tournée gargantuesque avec AC/DC, galvanisé par le bon accueil qui lui a alors été réservé. Bien décidé à canaliser cette énergie et à l’injecter dans sa musique, le groupe s’envole pour El Paso afin de mettre en boîte sa nouvelle réalisation au Sonic Ranch Studio, accompagné par le technicien Chris "Frenchie" Smith. À quelques pas de la frontière mexicaine, qu’une clôture haute de quinze mètres rend inaccessible, les quatre tignasses rousses ont pour problème principal de choisir entre une pinte de Guinness et un shot de tequila. Car pour le reste, tout semble couler de source, c’est en tout cas l’impression que renvoie l’écoute de ce troisième album. "Ça passe ou ça casse", déclare alors le groupe. Pourtant, le résultat est moins tranché.

Alors que, au début des années 2010, la flamme du Hard Rock de papa, celui avec une âme, semble l’apanage des grands blonds venus du froids, The ANSWER démontre que, par son talent et sa capacité à rendre intense et épidermique chaque note interprétée, l’avenir du Hard Rock passe aussi par lui. Le démarrage est un peu timide, "Waste Your Tears" ne parvenant pas à combler son manque d’intérêt par ses chœurs imposants, mais "Use Me", avec ses intonations à la AEROSMITH / WHITESNAKE, vient apporter de la vie. Et voici en gros le constat prédominant sur cet album : sûr de ses appuis, The ANSWER propose des morceaux ambitieux, très souvent inspirés, mais auxquels il manque parfois une certaine urgence, une flamme, un but.

Lorsque l’efficacité est au rendez-vous, comme sur le morceau "Vida (I Want You)", l’écoute est un délice. Ces couplets imitant le chant-scat de "Walk This Way" auxquels est greffé un refrain lumineux est une véritable leçon de savoir-faire. Groovy et féroce, "Trouble" et son harmonica tire également l’album vers le haut grâce à sa musculature ostensible, qui ne masque pas pour autant une certaine subtilité, que l’on retrouve notamment dans les soli généreux de Paul Mahon. Reste que, à l’agressif et excellent "Destroy Me", sans doute un des meilleurs morceaux de l’album, le groupe oppose le plus convenu "New Day Rising" et le carrément moyen "Lights Are Down", qui clôt l’album sur un goût mitigé. Le constat est le même pour "Nowhere Freeway", titre consensuel qui ne parvient pas à capitaliser sur la présence au chant de Lynne Jackaman (du groupe SAINT JUDE), le résultat se faisant ici sympathique, sans plus.

"Revival" est un bon album, c’est certain. Il y a là tous les ingrédients qui ont fait du début de carrière de The ANSWER un succès. Ce qui lui manque ? Cette intensité naturelle qui fait de "Everyday Demons" un essentiel, et que l’on va retrouver plus tard sur l’album "New Horizon". Au lieu d’un album définitif, le groupe irlandais propose ici un album de confirmation, dont le contenu ne semble pas tout à fait à la hauteur de ses prétentions. Un bon cru, cependant.