Chez NIME, les chroniques sont élaborées dans la plus franche ambiance de camaraderie et une chouette convivialité fraternelle ! Le grand chef n’est autre que le Grand Maître du Metal (que nous autres on surnomme "Boss" parce que c’est plus court…). Chaque chroniqueur est isolé à double tour dans une petite chambrette individuelle dans le Couloir Sombre des Tréfonds ; d’ailleurs mon voisin de cellule n’est autre que l’étrange T-Ray dont les hurlements sanglants correspondant aux accouchements rédactionnels me glacent régulièrement les sangs ! On écrit sans cesse pour tenter de glaner notre seule et unique récompense : la nourriture quotidienne que le Grand Maître du Metal nous fait passer (ou pas !) s'il est satisfait de nos écrits, par l’intermédiaire de son Gobelin en Chef – le même qui nous punit en cas de désaccord avec le Boss sur la qualité ou le volume de nos productions. La sanction basique consistant en une (longue !) heure d’écoute forcée de tubes Disco de seconde zone tirés de compils douteuses célébrant la décennie 80’… (non, non, pas d’exemples, vous les connaissez sûrement !).

Tous les soirs, le Gobelin montre sa bouille féroce dans l’ouverture grillagée des portes fermant nos cellules monacales et récolte nos chroniques, les glisse dans le grand parapheur vermeil qu’il descend présenter au Boss, installé dans son auditorium infernal, qui les valide en y apposant son sceau NIMiEn… ou en nous infligeant des synthés aseptisés couplés à des batteries électroniques sur voix de faussets érodés si le travail n’est pas jugé satisfaisant : bref, la vie de château !

Ce soir, son Gobelin en Chef debout devant lui depuis deux longues heures (nous sommes très productifs grâce aux p’tits nouveaux en ce moment !), le Grand Maître du Metal attaque enfin la dernière proposition de chronique du parapheur… Ses immondes pieds posés sur l’angle de son Bureau Démoniaque, il parcourt le texte :

"Et qui avons nous donc pour finir cette bordée ? Ah… tiens, c’est le p’tit comique qui se prend pour une pointure de la littérature contemporaine… Haplo. Voyons donc ce que tentent d’exprimer ses gribouillages insipides… "Beth Out Of Hell", le troisième album studio de The MURDER OF MY SWEET… Intéressant. Bouge pas mal ce groupe… Et joli brin de chanteuse". Le Gobelin changea imperceptiblement de jambe pour mieux gérer sa fatigue comme son équilibre : la séance allait durer plus tard que prévu.

"bon, … gna-gna-gna, intro pas drôle et historique bâclé de la disco du groupe… On sent clairement le parti-pris alors qu’ils en sont déjà à leur troisième opus ces sympathiques petits Suédois. D’ailleurs, qui m’a validé les premières Kros de "Divanity" (2010) et "Bye Bye Lullaby" (2012) avec ces notes pourries ?"

"C’est votre adjoint Maître, l’Immonde Jeff Kanji… Vous étiez en congés dans les deux cas, balbutia le Gobelin qui sentait l’ambiance se tendre."

"Arf.. Jeff ! Trop complaisant. Faudra que je lui rappelle qu’on ne doit pas valider n’importe quoi ici… Et je ne parle pas que des fautes d’orthographe ! Mouuais.. gna-gna-gna, musique facile, pas de soli, trop linéaire, gros son boosté qui cache l’absence d’originalité… Il devrait sortir plus souvent de sa grotte le p’tit Haplo… ‘verrait que des groupes qui ne méritent pas un album, il en sort dix par pâté de maison de nos jours ! Mais au moins le duo Daniel Flores - Angelica Rylin, et ben ils tiennent la route eux ! Lui, fort d’une expérience consommée dans le style et dans la prod (ex MIND’S EYE) alors qu’elle possède une voix hors du commun pour un combo de Metal. Et je ne parle même pas de son charme !"

Le Gobelin en Chef se remémora les courbes voluptueusement parfaites de la donzelle… mais n’en dit rien : Il ne voulait pas finir empalé à proximité du vieux poster criblé de fléchettes d’IMAGINATION dans un coin poussiéreux de l’auditorium infernal. Le choix fut vite fait et seule une minuscule étincelle au fond de son œil morne trahit son émotion. Le Grand Maître du Metal poursuivit sa lecture :
"Putain, ces phrases à rallonge qu’il nous pond le Haplo, il faut vraiment élaguer là dedans ! Alors... gna-gna-gna… En 2015, le combo décide de composer puis de sortir un concept-album riche et ambitieux sous le titre emblématique de "Beth Out Of Hell" (celui-ci faisant sans doute référence à l’album "Bat Out Of Hell" que l’ami MEAT LOAF a produit en 1977 avec Jim Steinman !) et contant les péripéties d’un(e) Démon(e) nommée Beth venue des enfers pour faire la peau à l’ange Michael dont elle tombe finalement amoureuse ! Waouu, en voilà une chouette idée de romance pour un concept-album ! Ça nous change des ados-tueurs lobotomisés ou des niaiseries écolo-climatiques que tout le monde écoute religieusement en regrettant le bon temps où on vidait le cendar de la bagnole dans le caniveau !"

"Alors, qu’en dit notre pinailleur de première classe ès-Metal Prog ? Je cite : "Armé d’un son alliant comme à son habitude dynamique, ampleur et puissance, The MURDER OF MY SWEET offre sur "Beth Out Of Hell" des compositions bien plus élaborées et ambitieuses que sur ses albums précédents : celles-ci sont en outre portées par une Angelica Rylin manifestement habitée dont le chant pleinement expressif concilié à des arrangements tant intelligents qu’accrocheurs impulsent une coloration technique mais surtout épique que le combo avait clairement dissimulé jusque là."
"Et ben dis donc, il est prolixe le têtard à lunettes !" Un grand sourire oblique barrait d’une oreille à l’autre la bouille cramoisie du Grand Maître du Metal qui jubilait… Le Gobelin en Chef sentit imperceptiblement que toute notion d’objectivité était, contrairement à lui, partie se coucher bien tôt ce soir…

"Allez, quelques morceaux choisis au hasard de cette belle chronique : Le riche et magistral "Requiem For A Ghost" qui contient et agence intelligemment tous les ingrédients d’un bon Metal Sympho, l’ample et nerveux "Means To An End" clôturant magnifiquement par ses arabesques accrocheuses et ses faux airs d’Opéra Metal les 70 min de "Beth Out Of Hell" ou encore les percutants et rapides "Still" comme "The Humble Servant", titres taillés pour la course, punchy à ravir et tenant largement la corde face aux brûlots pondus par les géants du domaine (WITHIN TEMPTATION / EPICA). Non content d’être ambitieux (à l’image de ses soli guitares tant chiadés que récurrents) et de surprendre agréablement l’auditeur, "Beth Out Of Hell" est également fichtrement abouti pour un combo qui jusqu’à cette date se contentait d’être un clone fadasse des formations citées plus haut. Belle surprise hautement recommandable qui mêle les qualités d’une comédie musicale Métalo-symphonique et le côté catchy d’un Pop Rock ample et coloré !

Le Grand Maître du Metal poursuivit silencieusement sa lecture durant quelques minutes.
"Bon, après, comme d’habitude il déconne sur la fin : gna-gna-gna… Album taillé pour être fédérateur… Une batterie et des claviers trop mis en avant… conserve un petit côté légèrement sirupeux reposant sur une histoire que certains pourraient trouver mièvre, bref des broutilles ! Je dirai plutôt que "Beth Out Of Hell", avec ce déluge de bons titres, démontre surtout que The MURDER OF MY SWEET négocie foutrement bien son virage stylistique vers un Metal Opéra symphonique captivant grâce à des arrangements et une musique bien plus élaborés qu’ils ne l’avaient fait auparavant. Le pari est classieusement réussi ! Il tendit nerveusement le parapheur au Gobelin à moitié endormi :
"Ces dernières carabistouilles très subjectives n’ayant aucun intérêt éditorial sur NIME, tu me montes ce minable 4/5 poussif à un 5/5 amplement mérité ! Allez, zou ! Je vais retrouver les sœurs Succubes pour leur lire un peu de poésie moi ! À demain le Gobelin."

Resté seul au milieu de l’auditorium infernal, le Gobelin en Chef rendit grâce aux sœurs Succubes pour leur amour des rimes et à Haplo pour ne pas avoir massacré cet album… Pivotant silencieusement autour du Bureau Démoniaque, il s’immobilisa à côté du fauteuil occupé par le Boss. À portée de main trônait un petit cadre contenant la photographie d’une plantureuse et jolie jeune femme brune dont les formes étaient mise en valeur par une brillante robe rouge ; portrait complété par ces quelques mots rédigés au feutre "Jag kysser dig pappa!"… Un sourire discret vint orner les fines lèvres du Gobelin qui fit demi-tour pour aller publier les chroniques avant d’aller trouver un repos (ô combien) mérité.

- premier étage de la fusée : "Requiem For a Ghost",
- deuxième choc frontal : "Means To An End",
- pour continuer à se faire plaiz : le reste de l’album.