Il existe fréquemment un album "tournant" dans la carrière d’un groupe. "Absolute Hope Absolute Hell" est clairement celui-ci pour FIT FOR AN AUTOPSY…
En effet, il est marqué par une révolution à l’échelle du combo américain qui vient acter le départ l’année précédente de son frontman Nate Johnson (remplacé quelques temps par Greg Wilburn), lequel est finalement remplacé derrière le micro par un nouveau hurleur en la personne de Joe Badolato. Vous le savez, il existe globalement deux écoles : le changement dans la continuité ou la révolution de palais…
Si trop souvent – et c’est parfaitement logique – les groupes tentent de ne pas trop déstabiliser la fanbase, il faut bien reconnaître que certains ont tenté de donner une (toute) autre tonalité à leur prestation. Les exemples sont plutôt nombreux et j’aime souvent parler du cas d’EXODUS, d’IRON MAIDEN, d’ANTHRAX notamment mais tellement d’autres.

Dans le cas qui nous occupe, FFAA se la joue particulièrement malin. Nate Johnson avait clairement défini le Deathcore sans concession du groupe… Joe Badolato propose à son tour une prestation ultra féroce avec un chant guttural de toute beauté à base de growls plus "calmes" et posés ("False Positive", "Absolute Hope Absolute Hell"…) mais contribue à valoriser l’évolution de la direction artistique entièrement contrôlée par Will Putney. En effet, ce dernier, à l’image de Robin Staps du collectif The OCEAN, est la tête pensante et créative de cette aventure et il décide de calmer le jeu en utilisant un chant un poil plus screamé/hurlé vers les aigus que Joe maitrise à merveille : c’est ainsi que "Ghosts In The River" déboule et permet de découvrir des tonalités Djent et Mathcore. Situé stratégiquement en plein milieu de ce "Absolute Hope Absolute Hell", il rompt brutalement (un comble) la frénésie jusqu’alors à l’ordre du jour. Le chant "clair" de Joe est absolument entêtant et s’en trouve magnifié par les riffs doux et ultra travaillés de son partenaire guitariste. Ce sera désormais une sacrée marque de fabrique du groupe américain.

Ce tout premier OANI (Objet Audio Non Identifié) dans l’histoire du groupe laisse apparaître un potentiel quasi impensable jusqu’alors. FIT FOR AN AUTOPSY accroche véritablement l’auditeur avec une construction solide et intelligente de ses titres. Si jusqu’alors brutalité et oppression semblaient dicter les règles établies, Putney et sa bande prennent un plaisir noté à distiller savamment davantage de mélodicité. Dès le riff lead introduisant le title track de la galette, il est toute à fait possible de mesurer cet aspect. "Absolute Hope Absolute Hell" est une droite qui vous heurte en plein visage, ne ménageant en outre non plus vos cervicales.

Josean Orta n’en finit plus de claquer ses fûts avec vélocité ("Mask Maker", "False Positive" par exemple) pour soutenir encore et encore le trio de guitares. Des soli plus mélodieux et posés déboulent même parfois ("Storm Drains", "Saltwound"), venant parfaitement fusionner avec des riffs en tapping qui commencent à sortir de tous les côtés.

En tendant l’oreille avec davantage d’attention, vous remarquerez que dès "Wither" mais également "Saltwound", pourtant Deathcore jusqu’au bout des ongles, le chant de Badolato est déjà en mutation sur son final… Certes discrète mais totalement en adéquation avec le final incroyable (mode "teasing" ON). Ces growls de mammouth croisés avec un ours des cavernes sont d’une précision chirurgicale, absolument enthousiasmante. Ils se posent naturellement sur des titres mid-tempo, assez semblables ("Storm Drains", "Murder In The First", "Hollow Shell", "False Positive") mais pour autant tout sauf répétitifs, comme le veut trop souvent le genre. Sur "Mask Maker", le switch entre les deux timbres de voix est vraiment bien trouvé : couplets growlés des bas-fonds et refrain screamé ("Maaaaaaaasssskkk Maaaakkkeuuuurrr"). Inutile de vous préciser toute notre surprise quand "Out To Sea" déboule avec sa guitare non saturée, calme et douce où notre frontman vient déclamer en introduction à la façon d’un chanteur éloigné de son micro avant de nous offrir un Heavy Deathcore poisseux et sombre comme jamais !

Mais si au final, vous ne devez en retenir qu’une seule chose de ce "AHAH", c’est indubitablement la merveille "Swing The Axe" ! Ce titre regroupe tout ce qu’était, est et devient FIT FOR AN AUTOPSY : envoûtant, puissant, féroce, habité et marquant. Rien de moins, rien de plus. Vous retrouvez dans ce petit bijou Joe avec ses deux facettes au chant, vous mesurerez tout le talent de compositeur et d’arrangeur de Will Putney tout en comprenant qu’il a su s’entourer d’une section rythmique bougrement talentueuse et de gratteux qui exécutent à merveille ses commandes ! Ce morceau est d’une immédiateté rare, ses breaks totalement dingues et sa construction vous retourneront inévitablement… Soyez prêt, je vous y invite !

En 40 minutes et 11 titres, les natifs du New Jersey frappent un très joli coup : "Absolute Hell Absolute Hope" affiche toutes les qualités d’un groupe bourré de technique, attaché à construire une réelle identité en poussant à outrance dans ses derniers retranchements un Deathcore, certes un poil moins brutal, mais bigrement plus maîtrisé et mature.

Note réelle : un très gros 4/5.

Top : "Swing The Axe", "Absolute Hope Absolute Hell", "Saltwound", "Ghosts In The River", "Out To Sea".