Les Allemands de DARK FORTRESS en sont à leur huitième album depuis 1994 et jamais n'ont-ils passé cinq ans et quelques mois sans offrir de nouveau matériel au monde entier. Essoufflement ou gage de réussite ? Perso, après un "Venereal Dawn" plus que jouissif – bien que décrié par plusieurs comme d'habitude pour sa longueur et son côté « mainstream Prog Black Mélo » – j'avais très hâte d'entendre ce que ces malabars avaient sous le coude.

On pourra reprocher bien des trucs au groupe, mais il faut lui redonner ce qui lui revient de plein droit : sa « générosité » (une heure de musique en moyenne par sortie) et sa constance. Sa mission n'est pas de réinventer la roue, mais de la faire tourner sempiternellement grâce à une dynamo alimentée par un Black Mélo ambiancé aux accents lugubro-épico-gothico-lubrico-occultes. Un Black qui possède les gènes pour rendre tout le monde d'accord, qu'on écoute attentivement ou non, distrait ou la trique au plafond – tout dépendamment de comment on se sent… Bref, un Black Mélo des familles, accessible, agréable, pas si violent et assez fouillé pour s'ouvrir une franchise de bouffe rapide de bonne qualité.

L'autre belle qualité de DARK FORTRESS est la stabilité de son line-up. Pour un band qui joue depuis si longtemps, avoir trois membres sur cinq qui cumulent soixante-quatre ans de service, c'est très fort. Cela explique en partie pourquoi les Allemands existent en 2020 et comment ils peuvent créer des morceaux aussi viandés que fédérateurs, dans un genre qui, j'ai peine à le concevoir, effraie tellement de monde encore…

Le fin mot de cette histoire ? Ne soyez pas pressé avec ces vétérans, ne vous attendez pas à un Black Mélo rentre-dedans, mur à mur style vieux NAGLFAR, vous devrez composer avec cette couche progressive qui, si elle n'est pas souvent accolée au nom du groupe, s'évapore de tous les muscles de la bête. DARK FORTRESS l'assume depuis longtemps déjà et s'il peut débloquer quelques cervicales avec des bombes plus courtes comme les excellentes "Coalescence" et "Pulling At Threads", le combo se réalise pleinement dans les titres plus consistants comme l'extrait radiophonique "The Spider In The Web", la pièce-titre et "Swan Song", qui clôt admirablement l'album… Entourée d'une instrumentale et d'un requiem ("Nox Irae").

Certes, les Allemands ont souvent tendance à s'empêtrer dans les défauts de leurs qualités, soit traîner en longueur à la recherche de l'atmosphère parfaite ("In Deepest Time") ou rallonger des plages qui sont déjà assez brûlantes après quelques minutes ("Isa"). Une création telle que "Pali Aike" est tout bonnement dispensable et alourdit le chariot et aurait contribué à ramener le compteur à un niveau normal. Mais bon, DARK FORTRESS ne risque pas de changer de sitôt, après un tel parcours…

Je demeure sceptique sur le potentiel de réécoute en boucle de cette cuvée 2020, car s'il comporte assez de points d'exclamation pour susciter l'envie, je reste sur ma faim comparativement à "Venereal Dawn". Comme chantait Cocciante, c'est une question de feeling.

Ce "Spectres From The Old World" plaira à la majorité des fans de Metal Extrême, voguant sur des eaux déchirées par des tempêtes aux lames acérées et des flots tempérés par des accalmies venteuses ne dépassant pas les cinquante nœuds. Il y a de tout pour absolument toutes les gueules sur ce DARK FORTRESS récent.

Si vous êtes patient, vous serez encore plus comblé par ce Black qui se dévoile toujours plus tranquillement qu'on le souhaiterait.

Note : 3,5/5.

Podium : (or) "Swan Song", (argent) "Coalescence", (bronze) "Spectres From The Old World".

Indice de violence : 2,5/5.