ELVENKING est un groupe qui me plaît beaucoup, de par sa constance (relative) et sa tendance à mélanger sans complexe des éléments Folk, Heavy, Speed et Death dans sa musique, tout en restant cohérent et structuré. L'album du retour, "The Pagan Manifesto", publié en 2014, s'en fait un témoignage chaudement recommandable. Je reste toujours néanmoins circonspect face à la volonté du groupe de se faire le représentant d'un Folk Metal païen celtique. Si le paganisme contemporain n'est, il est vrai, rien de plus qu'un ingénieux bricolage de spiritualités ancestrales et d'imageries résolument modernes, cette espèce de déesse cornue qui orne la pochette du nouvel album du groupe (mi-Cernunnos, mi-Morrigan) semble avant tout le fruit d'une imagination fertile plus que la remise au goût du jour d'une culture qui souffre d'être ainsi galvaudée. Et puis, les Celtes étant un peuple de tradition orale, présenter ainsi un "Grimoire magique" renforce notre idée que nous avons affaire à un groupe dont l'imaginaire est résolument basé sur la fantasy plus que sur la culture celte.

Ceci étant dit, ouvrons donc ensemble ce grimoire afin d'en découvrir les secrets. Grimoire est bien le terme approprié puisque chaque morceau se fait écrin au sein duquel se développe une trame narrative épique et ambivalente. Sans aller jusqu'à l'affrontement entre ombre et lumière, entre bien et mal, cher à Luca Turilli, ELVENKING se fait tout de même peu nuancé. Il est appréciable néanmoins que le groupe aborde certains thèmes plus originaux, à l'image de celui du Manuscrit de Voynich (ouvrage du XVème siècle de source inconnue écrit dans une langue indéchiffrable). "The Voynich Manuscript", qui traite du sujet, est par ailleurs un titre résolument bariolé, qui débute comme un titre Speed Metal somme toute classique avant que sa fin, particulièrement agressive, n'évoque l'univers d'un CRADLE OF FILTH. Surprenant et réussi.

Dans sa globalité néanmoins, ce nouvel album des Italiens sonne comme une redite du "Pagan Manuscript". Les ambiances se font similaires, et la qualité musicale des titres présentés se fait légèrement inférieure à celle de l'album de 2014. Le groupe met du cœur à l'ouvrage et tente de ne pas sous-estimer l'importance de l'accroche mélodique, élément particulièrement important dans ce genre musical. Ainsi, "The Horned Ghost And The Sorcerer" ou "Summon The Dawn Light" peuvent constituer des bouées bienvenues. Les mélodies sont ici au centre des débats. Sur le premier, c'est le violon qui se fait la base sur laquelle se construit un titre Folk Metal dans la plus pure tradition du genre, pas vraiment flamboyant (d'autres ont fait mieux, même ces dernières années, jetez donc un œil du côté de BOISSON DIVINE), mais suffisamment inspiré pour donner foi en l'album. Sur le second, c'est la guitare qui sert de porte-flambeau à un titre Hard/Heavy doté d'un refrain de grande classe et énergique.

L'ennui est qu'on ne retrouve pas sur cet opus la flamboyance de son titre d'ouverture, sorte de Speed-Folk épique et direct, dont la richesse tant mélodique qu'instrumentale (les orchestrations sont nombreuses) ne se verra pas reproduite. L'omniprésence des choeurs, l'alternance des passages saturés et Folk, la présence de chant crié sur certains titres plus agressifs ("Draugens Maelstrom"), ne parvient pas à donner à ce nouvel opus la cohésion suffisante pour en faire un grand album d'ELVENKING. Il s'agit néanmoins là d'un successeur honorable au très bon "Pagan Manifesto" et une porte d'entrée recommandable pour découvrir l'univers du groupe. Et puis, rien que pour les lignes de violon, les amateurs de Folk Metal y trouveront leur compte.