"The Pagan Manifesto" n'a rien, mais alors strictement rien, de païen. Ce n'est pas parce que l'on traite dans ses paroles des esprits de la forêt, des druides, et que l'on agrémente ses compositions de violon sautillant que l'on peut se revendiquer de cette spiritualité, autour de laquelle s'est bâtie une imagerie des plus inauthentiques. "Le manifeste païen", donc, n'est que de la poudre aux yeux. Si des groupes tels que PRIMORDIAL, ou WAYLANDER, peuvent en toute honnêteté se réclamer de l'influence du paganisme sur leur vie et leur musique, comment ne pas voir derrière ce titre d'album une tentative désespérée de la part des Italiens d'ELVENKING de tenter de raccrocher derrière leur locomotive cet immense wagon de fans déçus par leurs dernières réalisations en date ? Bon, ça fonctionne et l'album est sans doute un des meilleurs proposés par la formation. Mais on a le droit de râler tout de même, non ?

Plus de 10 ans après "Wyrd", pièce-maîtresse et réalisation la plus aboutie du groupe, ELVENKING revient, sans réserves, au feeling et aux ambiances qui avaient fait le succès de cet album. Il est évident que les nostalgiques des débuts du groupe épouseront sans sourciller cette nouvelle offrande qui, si elle sent un peu le calcul après une poignée de déconvenues artistiques, est un véritable moment de bonheur. Les influences Folk se font moins présentes que par le passé, c'est une évidence, mais le groupe offre son lot de parties de violon intéressantes (notamment sur "The Druid Ritual Of Oak"), et compense par des orchestrations savamment placées, qui insufflent de délectables ambiances épiques à l'ensemble.

Mais surtout, ELVENKING a retrouvé la clé de l'inspiration. Même si "Era" n'était pas dénué de titres savamment construits, "The Pagan Manifesto" l'écrase sans sourciller. Le groupe italien s'est très rarement fait aussi tubesque et immédiat que sur cet album, qui regorge d'ambiances enivrantes, de mélodies marquantes et de refrains immédiats. Un pur bonheur. Le groupe joue tout d'abord la carte de la complexité avec "King Of Elves" et ses 13 minutes au garrot qui nous transporte d'ambiances épiques en ambiances épiques, certains passages plus calmes et intimistes servant de liant entre ces moments de bravoure. On décroche un peu sur la fin, le groupe usant un peu trop des mêmes motifs mélodiques, mais il est évident que ce titre permet aux Italiens de confirmer leur retour en bonne forme. Ce constat est le même pour "Elvenlegions", sorti en single et brandi en étendard par les fans du groupe. Direct, mettant en valeur chacune des facettes du groupe, ce titre bastonne avec subtilité et voit ses mélodies intéressantes faire mouche immédiatement. Doté d'un break évoquant les travaux les plus récents du groupe, ce titre mêle le meilleur des deux mondes pour un résultat bluffant.

C'est lorsque le groupe se fait le plus vindicatif qu'il se fait également le plus marquant. Le festif "The Pagan Revolution", avec sa facette Folk renforcée par un violon omniprésent, est sans doute un des morceaux les plus marquants de cet opus, amené à devenir un classique live du groupe, c'est certain. De même, "Moonbeam Stone Circle" dont les mélodies et les orchestrations évoquent RHAPSODY, groupe auquel ELVENKING fut souvent comparé, est un moment de bravoure à mettre dans les esgourdes de tout amateur de Heavy épique. Il fait bon, donc, à l'écoute de ce huitième album des Italiens. Imparable du début à la fin de l'album, le groupe livre de véritables moments de bonheur sur chacun des morceaux qui le composent : la flûte de "The Solitaire", les ambiances médiévales de "Towards The Shore", la force de frappe des guitares sur le sautillant "Grandier's Funeral Pyre", la mise en place des ambiances de "Witches Gather", second morceau de bravoure de l'album avec ses 8 minutes au compteur.

Il y a là un savoir-faire, doublé d'un enthousiasme retrouvé, qui permet à ELVENKING de jouir d'un grandiloquent retour à la vie. Il n'y a guère que sur leurs deux premiers albums que les Italiens ont autant réussi à mêler beauté des mélodies, construction des ambiances et force de frappe des compositions. Alors que la tendance semble être à un retour aux sources pour les groupes nés dans les années 90 (SONATA ARCTICA, EDGUY...), le sextet livre un opus qui devrait mettre tout le monde d'accord, et ne souffre d'aucune faiblesse notable. Inespéré, donc d'autant plus appréciable !