SUIDAKRA ne semble pas vraiment de son époque. Dans les années 70 et 80, certains bons groupes pouvaient se permettre de pondre un album par an ou, dans le pire des scénarios, un aux deux ans. Maintenant, les seuls combos qui arrivent à maintenir un rythme de sorties soutenu sont ceux qui 1) ont du succès 2) sont signés avec un label qui a les reins solides et qui leur offre une grande liberté créative.

SUIDAKRA l’Allemand a déposé 12 albums en 22 ans dans les bacs, soit une moyenne d'un album tous les deux ans, ce qui en fait un vrai phénomène. Signée chez AFM, connu surtout pour son catalogue Power Metal, la bande à Arkadius poursuit son bonhomme de chemin avec son Black/Death Mélodique aux accents celtiques et symphoniques, voix féminine, testostérone et lyrisme en bonus.

On peut ainsi parler de formule établie pour SUIDAKRA, voire classique dans le genre. Le groupe me fait un peu penser aux Finlandais de SOULGRIND, qui possèdent les mêmes atouts dans un registre plus gothique. Cette énergie communicative que déploient les Allemands fonctionne à merveille, comme c’était le cas sur leur dernier album, "Eternal Defiance", qui alliait la fougue que cultivent les vétérans depuis bien longtemps déjà et qui m'harponne depuis "Crogacht".

Nous nous retrouvons donc devant un cas très simple : est-ce que la magie opère encore ? Ouais, je sais, pas le genre de chronique le plus agréable à lire, alors imaginez à écrire… Bon, quand même, SUIDAKRA mérite qu'on continue de s'intéresser à lui, surtout que "Realms Of Odoric", qui bénéficie d'une autre belle pochette à l'image de "The Book Of Dowth", poursuit la tradition de solide manière.

La puissance des compositions est encore au rendez-vous et n'eut été des incursions de Tina Stabel, on aurait droit à un disque de grosse brute comme SUIDAKRA en offrait jadis. Sauf que les Allemands ont depuis longtemps baissé le ton et rendu leur musique plus joyeuse et accessible, tout en demeurant Black dans l'âme. Un guerrier vieillissant qui refuse d'abandonner ses frères partant à la bataille, comme le plus jeune CRIMFALL. Il est ainsi très Power dans l'âme, de par la joie manifeste qui se dégage des tabasses du quatuor, savamment appuyé par de discrets mais efficaces chœurs et de cinématographiques orchestrations. À l'attaque !!!

Ceci étant écrit, je ne suis pas trop fan des formules qui tendent à s'épaissir avec les années. Les prises de risques chez SUIDAKRA se font rares et on écoute trop confortablement. Outre les passages ambiancés, les quelques touches de violon et de cornemuse, ainsi que les cavalcades déchaînant les feux de l'Enfer dont le groupe se targue, il y a peu de réinventions sur "Realms Of Odoric". Tellement que l'ensemble me laisse sur ma faim, notamment en deuxième partie où le sirop coule à flots. Je ne reste pas pantois, car il y a tout de même un podium chargé de superbes moments, mais de public perché aux lèvres d'Arkadius, me voici passé de l'autre côté. Avis à mes confrères chroniqueurs : je suis prêt à vous refiler le relais dans deux ans !

Cela ne m'empêche pas de demeurer objectif et de décerner 3.5/5 à cet album aussi fédérateur que les derniers que j'ai eu le bonheur d'ouïr. SUIDAKRA est une vraie rareté dans le monde bigarré du Black épique.

J'ai l'impression que même sur son lit de mort, Arkadius saura siffler de brillantes mélopées et taper du pied jusqu'à ce que ses dernières forces le quittent.

Podium : (or) "The Hunter's Horde", (argent) "On Roads To Ruin", (bronze) "One Against The Tide".