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MELODIC DOOM/DEATH  |  STUDIO

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SWALLOW THE SUN - Songs From The North I, Ii & Iii (2015)
Par LYRR le 15 Février 2016          Consultée 8269 fois

It's the great, big, broad land 'way up yonder,
It's the forests where silence has lease;
It's the beauty that thrills me with wonder,
It's the stillness that fills me with peace.


– Robert W. Service (1907) "The Spell of the Yukon", Songs of a Sourdough, Toronto: William Briggs


Robert W. Service chantait les monts et vallées du Nord Ouest canadien. Celui qui l'on appelait le Barde du Yukon aurait pu tout autant être celui du Grand Nord européen : ses plaines enneigées sous le pâle soleil hivernal qui point à peine à l'horizon ; ses forêts aux arbres touffus ; ses lacs aux insondables mystères ; sa grandeur et son éternelle beauté. Et c'est depuis ce Nord, sa source d'inspiration de toujours, que SWALLOW THE SUN a décidé de nous charmer les oreilles avec une œuvre magistrale dont l'ambition n'a d'égale que le talent de ses créateurs : "Songs From The North I, II & III", soit un album en trois parties stylistiquement distinctes mais reflétant toutes les facettes de la musique du groupe.

Gloom – Beauty – Despair : trois têtes d'un monstre du Doom/Death qui étend ses squameuses tentacules dans des territoires jusqu'alors seulement effleurés de son univers musical. Cette créature tricéphale est le fruit d'une approche innovante de sa propre musique par le groupe : proposer une triple interprétation de sa vision du Metal afin de sublimer ses capacités créatrices en les focalisant sur des aspects définis de son identité stylistique. SWALLOW THE SUN peut ainsi aller au-delà de ce qu'il a pu proposer avec son œuvre jusqu'alors, ajoutant de nouvelles nuances à sa palette musicale afin de mieux dépeindre les sombres sentiments qui l'habitent. Et il y parvient parfaitement d'ailleurs.

Étant donnée la structure de l'album, cette chronique s'articule en trois chapitres suivis d'une synthèse conclusive afin de mieux entrer dans le cheminement que nous présente le groupe et d'en tirer la substantifique moelle. Ouvrez grand vos oreilles et votre esprit, car c'est une aventure à la fois saisissante et déstabilisante qui nous est ici offerte !

CHAPITRE I – GLOOM

Ce premier chapitre est celui qui s’inscrit le plus dans la continuité de l’évolution stylistique de SWALLOW THE SUN. Héritier direct de "Emerald Forest And The Blackbird", il poursuit son exploration du Doom/Death avec force mélodies et claviers.

Plus calme que d'ordinaire, le groupe joue ici la carte de la délicatesse avec des atmosphères passant de la lumière à l'ombre – "Heartstrings Shattering" illustre bien cette impression – afin de mieux toucher sans agresser les sens. Beaucoup d'alternance entre chant guttural et clair, avec toujours des passages tirant sur le Black qui ajoutent une noirceur bienvenue au vu de la luminosité ambiante de ce premier disque. SWALLOW THE SUN aime les contrastes, les chansons qui évoluent en partant d'une émotion pour en atteindre une autre avec des structures complexes mais jamais alambiquées, des instrumentations variées et une certaine maîtrise de la montée en intensité, comme sur "Silhouettes" et son refrain à la puissance épique ou encore "With You Came The Whole Of The World's Tears".

Le chant clair est omniprésent, mieux maîtrisé que par le passé, accompagné de nombreux passages calmes que l'on n'aurait jamais pu imaginer du temps de "The Morning Never Came". L'apparition de backing vocals pour soutenir les performances de Mikko Kotamäki est assez déroutante de prime abord, mais l'on finit par s'y habituer, voire même en apprécier la nouveauté au fil des écoutes. Ce n'était en effet peut-être pas le choix artistique le plus judicieux – comme par exemple sur "Rooms And Shadows", un excellent titre dont le refrain en devient hélas un peu plat avec ces cœurs – mais il faut reconnaître qu'il n'affecte que peu le plaisir de l'écoute une fois intégré.

L'on retrouve avec plaisir la patte des Finlandais sur cette première partie de l'album. Lyrisme, lourdeur, force, tristesse : la recette du groupe a beau avoir évolué dans son expression stylistique, ses fondements restent les mêmes et prennent forme avec une grandeur semblable à celle que l'on a pu observer sur ses œuvres précédentes. Toutefois, l'on remarquera une certaine légèreté dans les arrangements musicaux qui, même si déjà présente depuis l'époque de "New Moon", semble prendre de plus en plus de terrain avec cet opus. Non pas qu'elle soit malvenue, mais l'on pourrait regretter l'absence relative de ce sentiment d'écrasement qui caractérisait les débuts du groupe. Mais il faut s'y faire, SWALLOW THE SUN aime à aller de l'avant plutôt qu'à se reposer sur ses acquis, et cela est tout à son honneur, car sinon un album aussi ambitieux que ce "Songs From The North I, II & III" n'aurait certainement jamais vu le jour.

D'ailleurs, en parlant de Nord, où est-il sur ce premier disque ? Eh bien, il semblerait qu'il soit plus inscrit dans l'intention musicale que dans son expression concrète – n'oublions pas qu'il s'agit de chansons venant du Nord, et non sur le Nord. Mais le chapitre suivant nous en dira tout de même plus sur cette terre de légendes et de mystères…

CHAPITRE II – BEAUTY

Après une entrée en matière plutôt classique, "Songs From The North I, II & III" emprunte enfin un sentier non balisé pour mieux révéler une autre facette de sa personnalité, car ce deuxième disque est en réalité entièrement acoustique. Pas de voix d'outre-tombe, pas de distorsions grondantes, mais des sons clairs et doux à l'oreille, des atmosphères enchanteresses : "Songs From The North II" évoque tantôt les forêts lapones sous le soleil de minuit, le vent faisant frémir les feuilles des arbres de ses caresses, tantôt le reflet de la lune sur les lacs aux rives enneigées, la clame beauté des flocons se posant délicatement sur le sol givré… il plane une poésie ineffable dans ces chansons qui transporte l'auditeur bien au-delà des territoires habituellement parcourus par le groupe.

Si SWALLOW THE SUN nous avait déjà fait montre d'une certaine propension à user de passages acoustiques accompagnés de chant clair – "This Cut Is The Deepest" sur l'album précédent par exemple –, il n'avait jusqu'alors jamais poussé l'idée aussi loin qu'ici. L'idée de faire un album acoustique n'est certes pas neuves, des groupes allant d'ELUVEITIE à OPETH ayant déjà donné dans le domaine ; mais il convient toutefois de ne pas pour autant déprécier la valeur de l'exercice, car ici le résultat ne manque pas de charme.

Tout d'abord, un premier constat : Mikko Kotamäki semble s'être amélioré dans ses performances vocales non-gutturales. Il est plaisant d'entendre sa voix qui, à l'instar de celle de Mikael Åkerfeldt (OPETH) ou encore John Haughm (AGALLOCH), possède un timbre assez doux et ne cherche pas à aller au-delà de ses capacités en poussant vainement vers le lyrisme. Le côté lyrique se rencontre d'ailleurs plutôt dans la beauté des mélodies, par exemple sur le titre "Songs From The North" et son refrain tout bonnement magique porté par une voix féminine qui lui sied à merveille. L'atmosphère qui se dégage de ce disque est chaude et agréable, simple mais jamais ennuyeuse. D'aucuns pourront parfois tout de même trouver le temps un peu long, mais je pense que pour pleinement apprécier ce disque il faut savoir se laisser porter par ces notes harmonieuses, afin de mieux se plonger dans un état de calme rêverie, les yeux perdus dans l'horizon.

Plus court que d'ordinaire pour un disque du groupe, ce deuxième volet du triptyque constitue une agréable transition entre une première partie plus traditionnelle et un dernier chapitre qui se révélera être des plus surprenants. À la manière d'un EMPYRIUM, SWALLOW THE SUN puise ici son inspiration dans une vision romantique de la nature, vantant la beauté de ses vertus à l'aide de mélodies exemptes de tout tourment. Le Nord n'est pas uniquement une terre de froid et d'obscurité ; la chaleureuse lumière des journées estivales donne également des accents poétiques aux œuvres qui la chantent. Mais, une fois l'été passé, des nuages noirs viennent bientôt assombrir le ciel, révélant dans les ténèbres le plus obscur visage du groupe…

CHAPITRE III – DESPAIR

SWALLOW THE SUN n'a jamais été aussi sombre que sur "Songs From The North III". Plutôt que son habituel Melodic Death/Doom, il s'essaie ici au Funeral Doom avec un talent digne de louanges. Ponctué de passages très Black, ce troisième disque développe une atmosphère oppressante, très lourde, à des lieues de ce qui vient de le précéder. Inutile de chercher des mélodies mélancoliques empreintes de ce vague à l'âme à l'esthétique gothique des derniers albums du groupe : ici tout n'est que désespoir, ruines et poussière.

La patte de SWALLOW THE SUN est toujours là, mais elle s'appose à une œuvre dans laquelle les jeux de contrastes entre chant clair et voix gutturale, entre doux moments acoustiques et montées en intensité dramatique, entre riffs écrasants et claviers mélodiques, sont troqués au profit d'un monolithisme aux subtiles nuances d'ombres. La palette musicale utilisée est intéressante en ce que, bien que moins vaste que sur "Songs From The North I", elle n'en est pas moins riche de détails et d'une grande cohérence. Le goût du groupe pour les passages mélodiques s'est ici adapté au besoin de souligner l'ambiance glauque qui émane des riffs et, lorsque la musique se fait calme, cela n'est que pour mieux mettre en valeur la profonde noirceur des sentiments véhiculés par chaque note de guitare qui lui succédera, ou bien encore afin d'exacerber la douleur du chant, comme nous le montre si bien "Empires Of Loneliness".

L'on appréciera grandement sur ce disque l'agréable surprise qu'est d'entendre SWALLOW THE SUN parvenir avec autant de maîtrise à réinventer son côté sombre en empruntant à SKEPTICISM et autres SHAPE OF DESPAIR cette impression d'inéluctabilité, de force immense et implacable qui semble mouvoir la musique. Il y a certaines similitudes avec l'album "The Morning Never Came" et son aspect massif, mais également de fortes différences, en ce que ce dernier restait indubitablement ancré dans la tradition Doom/Death, loin du Black et du Funeral. Le résultat est fort bon, même s'il reste cependant relativement mélodique par rapport aux standards du genre. Il semble toutefois clair que l'on est ici entré dans un recoin resté jusqu'alors inexploré de l'univers du groupe.

Les tempi sont bas, les riffs longs, le chant pesant, la diction lente : le monde semble ralentir pour se synchroniser avec le rythme de cette musique tout droit sortie des enfers. Les intonations Black Metal se marient à merveille avec la lenteur du Doom, union maudite au service de la noirceur du désespoir. S'il y a bien un disque à retenir de "Songs From The North I, II & III", c'est celui-là : il déstabilisera sans doute ceux qui s'attendaient à du SWALLOW THE SUN traditionnel, mais l'expérience est absolument abasourdissante tant on aurait eu du mal à s'imaginer le groupe produire une telle œuvre alors que son style musical semblait plutôt s'orienter dans une direction plus légère et paisible sur ses précédents opus. Magnifique dans sa tenue funèbre, SWALLOW THE SUN signe ici l'une des plus belles créations de sa carrière.

CONCLUSION

SWALLOW THE SUN est décidément un groupe qui ne manque pas d'ambition. Voulant toujours se donner les moyens de se réinventer, il propose ici bien plus qu'un simple successeur à "Emerald Forest And The Blackbird" avec un triple album pour plus de deux heures et demie de musique. Bien que pouvant être pris séparément, chacun des disques le composant n'est en réalité qu'un volet d'une seule et même monumentale œuvre, œuvre qui mérite d'être considérée comme un tout unique exprimant les différents aspects de la musique du groupe. C'est ainsi une exploration en profondeur de son propre univers que propose ici SWALLOW THE SUN, une vision panoramique de toute l'étendue de ses capacités créatrices.

Gloom – Beauty – Despair : l'hydre tricéphale qu'incarne "Songs From The North I, II & III" est l'avatar terrestre de cette trinité que le groupe a toujours cherché à insuffler dans ses compositions. Rarement le Nord n'aura semblé pouvoir être à la fois si froid et si chaleureux : mélodies, chansons, disques ne sont que jeux de contrastes, une série de voyages esthétiques colorés de mille nuances musicales pouvant se trouver être aussi belles que terribles. Et l'on sort de l'écoute charmé par une telle richesse stylistique, à tel point que l'on n'hésitera que peu longtemps avant de s'offrir une nouvelle immersion dans ces chansons du Nord.


This heart of a cold white land
In the dark of the endless nights
And the light of summer that never dies
In these songs from the North.

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   LYRR

 
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- Juha Raivio (guitare)
- Matti Honkonen (basse)
- Markus Jämsen (guitare)
- Aleksi Munter (claviers)
- Mikko Kotamäki (chant)
- Juuso Raatikainen (batterie)


- disque 1 - Gloom
1. With You Came The Whole Of The World's Tears
2. 10 Silver Bullets
3. Rooms And Shadows
4. Heartstrings Shattering
5. Silhouettes
6. The Memory Of Light
7. Lost & Catatonic
8. From Happiness To Dust
- disque 2 - Beauty
9. The Womb Of Winter
10. The Heart Of A Cold White Land
11. Away
12. Pray For The Winds To Com
13. Songs From The North
14. 66°50'n, 28°40'e
15. Autumn Fire
16. Before The Summer Dies
- disque 3 - Despair
17. The Gathering Of Black Moths
18. 7 Hours Late
19. Empires Of Loneliness
20. Abandoned By The Light
21. The Clouds Prepare For Battle



             



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