Aujourd’hui fort de huit albums studio produits en plus de vingt ans d’existence, ELECTRIC WIZARD n’a plus rien d’un novice dans le monde du Doom Metal. Le groupe, ou du moins son seul membre constant et principal compositeur, Jus Oborn, a su développer un style singulier hybridant Doom et Stoner tant au niveau de sa musique, lente, lourde, lugubre et entêtante, mais également au niveau de son imagerie, en véhiculant un pessimisme haineux et violent envers l’humanité ainsi qu’un fort dégoût vis-à-vis de l’existence, tout en prônant la consommation de stupéfiants pour transcender cette négativité face à un monde qui ne mérite que sa propre destruction.

Le son des Anglais est épais, visqueux, presque tangible; il évoque volontiers à l’auditeur l’un de ces fameux "pea soupers" londoniens, ces brouillards chargés de dioxydes de soufre si denses et toxiques qu’ils en devenaient meurtriers. Quoique, cela était surtout vrai à l’époque de l’apogée du groupe, au tournant de ce siècle ; "Time to Die" semble, hélas ! ne pas bénéficier de l’intensité de cette colère désabusée qui caractérisait de son temps l’inégalable "Dopethrone".

Que l’on ne s’y méprenne pas : "Time to Die" n’est aucunement un album exempt de qualités. On y retrouve ce style qui a procuré au groupe un succès remarquable au sein du monde du Doom Metal : ces couches de sons saturés, ces riffs inlassablement répétés en une morbide litanie ; ELECTRIC WIZARD est fidèlement revenu à ses racines après avoir opéré un virage vers des contrées plus Rock et psychédéliques sur ses derniers albums, et cela fait que l’album reste relativement agréable à l’écoute malgré tout. Mais cela se trouve être un peu maigre pour faire de "Time To Die" un bon disque. Piégé par sa propre identité musicale, le groupe use encore et toujours des mêmes schémas de composition, ce qui lasse assez rapidement l’auditeur tant il est vrai que le contenu qu’il propose a un furieux arrière-goût de réchauffé.

Les titres se succèdent et se ressemblent, et bien qu’ils ne soient pas fondamentalement mauvais en eux-mêmes, ils font montre d’un manque d’audace et d’imagination vite fatiguant. Trop similaires, trop longs, ils se fondent en une masse sonore certes homogène et cohérente, mais ô combien morne et fade. Parfois, certains éléments arrivent tout de même à capter l’attention, comme le refrain de "Time To Die" ou encore la montée finale de "We Love The Dead", mais ils font figure d’exception, noyés au milieu des tristes fumerolles artificielles émanant du reste de l’album.

ELECTRIC WIZARD use et abuse également de passages atmosphériques qui se veulent sombres et malsains, mais qui ratent leur cible de par leur manque d’intensité et leur longueur qui cassent la dynamique générale de l’opus plus qu’ils ne la soutiennent. Entre échantillons de bandes sonores sensés appuyer le message nihiliste du groupe et sons d’orgue à la qualité plus que douteuse, l’on peine à accrocher à l’ambiance qui se dégage de ce "Time To Die". De plus, la voix de Jus Oborn est quelque peu assommante, car manque significativement d’émotion et d’énergie, ce qui accentue la monotonie de l’album et fait perdre beaucoup de sa substance aux textes des chansons, alors que ceux-ci ont le mérite de conserver la hargne originelle du groupe.

En somme, l’on fait ici face à un album qui, sans être foncièrement un échec musical, est bien trop léthargique pour être aussi convaincant que l’étonnant "Let Us Prey" ou le délicieusement nauséabond "Dopethrone". Le ‘Clean Air Act’ a été adopté, les miasmes du ‘pea souper’ ne sont aujourd’hui plus aussi épais et délétères qu’ils ne le furent jadis ; ELECTRIC WIZARD semble avoir atteint ses limites créatives, et ces trois mots "Time to Die" pourraient bien être une vision prémonitoire du devenir du groupe si ce dernier n’arrive pas promptement à véritablement se réinventer.