Commencer à chroniquer une discographie par un Live, ce n'est pas tout à fait habituel, ni logique. Pourtant, cela m'apparaît important car il s'agit de la première claque que je me suis prise en écoutant URFAUST. J'avais déjà pris connaissance il y a quelques années de "Verräterischer, Nichtswürdiger Geist", second album du groupe. Mais j'étais restée complètement étonnée, cela ne correspondait absolument pas à l'idée que je me faisais du Black Metal à l'époque. Je me demandais tout simplement comment on pouvait classer comme tel la curiosité que j'étais en train d'écouter. Aucune méchanceté, simplement beaucoup d'incompréhension.
Chroniquer ce "Trúbadóirí Ólta An Diabhail" en premier est donc peut-être assez saugrenu, mais c'est une manière d'adapter la chronologie. Non pas par ordre de sortie, mais pas ordre où j'ai personnellement foulé les terres d'URFAUST. Cela permettra peut-être de faire découvrir ce groupe sous un autre angle à des gens qui ont pu avoir la même première expérience que moi.

Cet album Live contient donc des titres empruntés au premier album, et deux autres de "Verräterischer, Nichtswürdiger Geist" dont j'ai parlé plus haut. Restent deux pistes provenant de splits, avec JOYLESS et CIRCLE OF OUROBORUS, deux groupes pas non plus tout à fait proches des standards du Black Metal.
Cependant, les titres repris en Live n'ont pas toujours la même patte que sur la version originelle. Ils sont un peu modifiés, voient leur tempo ralentir ou accélérer, ou sont complètement coupés. De toute manière, le chant ne semble jamais être le même d'une interprétation à une autre. On remarque aussi que les deux premiers titres, mes favoris au passage, bénéficient d'une meilleure production que sur le premier album du groupe. On reste avec un son de Live bien sûr, mais comparé à la compression bien étouffée de "Geist Ist Teufel", cela donne une atmosphère assez différente. Moins brumeuse, mais le fait d'entendre toutes les aspérités du chant par exemple, est vraiment un avantage.

Si vous ne connaissez pas les Néerlandais, on plonge ici dans un univers complètement loufoque. URFAUST joue en fait un Black à contre-courant. Pas tellement du côté des idées fondatrices de la composition : on retrouve dans les influences de bonnes vieilles racines Black. Mais c'est dans le traitement que cela se différencie. On a une forte présence Doom qui fait déjà la différence, une rythmique lente et excessivement lourde. C'est toute la mise en scène qui fait la singularité du groupe. Cela passe principalement par le chant, qui reste le point qui marque toute personne ayant déjà écouté URFAUST un jour.
Je parlais bien de mise en scène : la voix de IX a quelque chose de très théâtral. Presque jamais hurlée, très souvent dans un chant clair plaintif, tourmenté, qui se pose maladroitement sur des instruments aux sonorités lancinantes, incantatoires. Complètement malsaine et mêlée à une extrême tristesse, elle complète l'ambiance générale. Cela se ressent beaucoup moins sur cet album Live que sur un EP comme "Einsiedler" par exemple mais cela reste tout de même extrêmement prenant ("Auszug Aller Tödlich Seinen Krafte" qui me relance des frissons à chaque fois que j'approche des 3'20).

En fait, ce type de chant me rappelle toujours une expérience que j'avais vu, où une tribu isolée regarde la vidéo d'une chanteuse d'opéra dont il ne comprend pas les paroles mais dont il sent l'intensité et l'émotion dans la voix et dans l'intonation. Je trouve cela d'autant plus visible pour le groupe de Black Atmo peu banal qu'est URFAUST, que ce n'est quasiment que du chant clair. La violence de la chose est davantage développée à travers la large fourchette de chants qui nous est proposée, du clean au chant hurlé avec de nombreux intermédiaires.

C'est un 5/5 qui se justifie. Premièrement ce fut une énorme surprise pour ma part que ces titres qui ne ressemblaient en rien au souvenir que je m'étais construit du groupe et qui m'ont prise au dépourvu. Ensuite, c'est clairement le genre de performance que j'aimerais voir de leur part, avec une setlist proche. La cerise sur le gâteau reste cet artwork à nouveau magnifique, qui marque encore une fois la nouvelle singularité visuelle d'URFAUST.