Etrange rejeton hollandais du BURZUM de "Filosofem" pour le spleen hypnotique et du DARKTHRONE de "Transilvanian Hunger" pour le son des guitares et l’attitude anticonformiste, URFAUST débute sa carrière d’une manière singulière. Il bannit pour cela toute virulence et s’engage dans les méandres mélancoliques d’une noirceur ancestrale, fantomatique et rampante. Ce qui frappe de prime abord c’est ce chant clair grave si charismatique et personnel de IX, dont les moindres intonations font chavirer les individus dans un univers irréel et captivant. Ce timbre mémorable distille une part d’émotion tout à fait étonnante et il devient le socle sur lequel la formation bâtit son temple de sinistrose. Convenons que la démarche fera fuir les réfractaires et l’on sent bien que le combo navigue sur le fil du rasoir, entre hurlements déchirants et mélodies désenchantées, rythmes lancinants accompagnés de guitares grésillantes et affligées. Le fil d’Ariane qui en découle alimentera nombres de sentiments différents et d’errements mentaux improbables.

Mais celui qui emprunte ce long chemin dans l’obscurité sera récompensé de ses efforts, car le groupe parvient de ce fait à engendrer des compositions étonnamment variées que l’on croirait issues du fond des âges. La musique rêche et dépouillée devient spectrale, telle une apparition inquiétante que l’on entreverrait dans un demi-sommeil ou un rêve. Voilà bien la clé de voûte de l’objet, un dialogue avec des morts dont nous percevons les chants astraux qui se communiquent par-delà la tombe. Une tristesse qui atteint l’auditeur dans le cortex et qui s’agrippe à son âme tel un esprit invasif.

Citons les lents cheminements de guitares plaintives de "Die Kalte Teufelsfaust" et sa mélodie subjuguante dans les couplets, le mot n’est pas trop fort pour les raisons évoquées précédemment. Le médiéval et entraînant "Drudenfuss" semble se faire l’écho d’une chanson de geste oubliée. Une ancienne forteresse austère se matérialise devant nos yeux, sans doute celle qui abritait Klaus Kinski dans NOSFERATU Phantom Der Nacht (1979). Ce titre peut rappeler un certain ISENGARD, en beaucoup plus abouti cependant. Le dépressif "Auszug Aller Tödlich Seinen Krafte" rebondira sur un long break ambiant et malsain avant de culminer sur des accélérations finales inattendues. La partie centrale nous ramène à la source inégalée : CELTIC FROST et ses instrumentaux fantastiques, "Danse Macabre" ou "Tears In A Prophet’s Dream", puis le plus récent ABRUPTUM dans ses travaux bruitistes et dissonants. Le titre éponyme presque apaisé, uniquement mené par des claviers simples mais pertinents et dirigé par cette voix particulière, hantera longtemps les auditeurs les plus perméables à ces atmosphères lugubres. Parlons également de cette conclusion éthérée et illuminée aux synthés de près de quinze minutes au compteur. Comment ne pas encore penser à la démarche de BURZUM et à son "Tomhet" immersif ou un peut plus loin aux digressions d’ILDJARN.

Une vision originale et unique de la part d’une formation qui ne l’est pas moins. En dépit d’une extraordinaire cohérence de l’ensemble, nous regrettons l’absence de pics d’inspiration supplémentaires qui auraient contribué à hisser l’opus à un niveau supérieur. Si URFAUST va affiner son propos sur les enregistrements suivants, son acte de naissance éveille pourtant un vif intérêt et saura satisfaire les amateurs d’ambiances fortes et de voyages aux confins de l’autre monde.