En passant une partie de mes vacances estivales à la montagne et ayant eu la chance de faire de belles randonnées en haute altitude, une image m’est revenue lorsqu’arrivant à un sommet je m’épanchais à contempler une mer de nuages s’étendant jusqu’au lointain. Au-dessus de moi volait des vautours fauves que des chocards accompagnaient. Je restais ému de ma rencontre quelques grosses poignées de minutes auparavant avec un tichodrome échelette qui s’échappait d’une falaise sur le pas des Isards que je franchissais, tout près de la Brèche de Roland. J’étais en Espagne mais je pensais aux Italiens de ENISUM et à la pochette superbe de cet album de 2015 qui m’avait plongé dans de si belles rêveries.

Longtemps je crus que le groupe allait m’habiter de ses élans atmosphérico-épiques et voyageurs et j’avais un peu perdu sa trace depuis le dernier album plutôt en demi-teinte qu’a été "Forgotten Mountains", et là de se faire saisir comme cela d’un coup d’un seul par un paysage quasi-identique, je repris l’enchantement là où je l’avais laissé. Et "Arpitanian Lands" est ce souvenir précieux quasi-symbolique qui tient cette place. Difficile de maudire sur ce quatrième album tant il regorge de titres scrupuleusement offensifs. Il y a du Cascadian Black Metal à la WOLVES IN THE THRONE ROOM dans ce jeu agressif et mélodique des Italiens. La voix de Lys y contribue beaucoup et, je l’avoue, m’impressionne positivement parlant. J’aime son grain véhément et sa conduite dans les titres de "Arpitanian Lands". Singulière donc, mais aussi puissante et déchiquetée, rocailleuse comme l’est la roche alpine avec son abrupteté caractéristique. Avec son concours, les titres s’envolent et nous font dériver dans notre randonnée brumeuse au contact des éléments et de la Nature.

Écoutez donc les pièces maîtresses que sont les deux premiers titres et "Fauna’s Souls" en priorité, ainsi que le titre plus Post "Chiusella's Waters" où la voix féminine de Epheliin et celle claire de Lys font des merveilles. Dans chacun de ses titres, le riffing se veut toujours puissant et résolument hargneux mais conserve constamment une dose de mélodicité bien sentie. Difficile selon moi de faire la fine bouche tant les amateurs de vélocité mélodique ou ceux en quête d’éléments plus rentre-dedans y trouveront leurs comptes. D’autres titres sont plus volontiers moins ingénieux et davantage monotones ("Mountain’s Spirit", "Desesperate Souls"), voire un peu agaçants tels que le titre clôture "Sunsets On My Path" où le duo avec Epheliin fonctionne moyennement…

Quoiqu’il en soit, des albums de ENISUM il est l’un de ceux qui captivent le plus. Sans doute un peu trop long (plus d’une heure au compteur), il n’est pas toujours aisé à écouter d’une traite. En tous cas les amateurs éclairés de Black Metal Atmosphérique un poil prononcé vers la fureur sauront apprécier cet album charnière des Italiens. Les deux suivants, différents, "Seasons Of Desolation" (2017) et surtout "Moth’s Illusion" (2019), auront de quoi faire briller un peu plus encore l’éclat de ENISUM sur une de ses combes italiennes du Val de Suse où sont originaires les Italiens, et où tonnent souvent les orages belliqueux et misanthropes.

Note réelle: 3,5/5.