SOLBRUD nous revient en ce début d’année pour nous proposer un double album d’une belle densité atmosphérique et louvoyant – à l’instar des premiers disques de WOLVES IN THE THRONE ROOM - vers des émotions tout à la fois éthérées et quelque peu épiques. Saisissant les quatre éléments constituants, les Danois développent autour de compositions étirées des ambiances noires, sombres et hantées de paysages sonores intranquilles. Après le puissant et davantage agressif "Jaertgn" sorti il y a 10 ans et "Vemod" en 2017 dont je me souviens fort bien notamment pour son titre formidable qu’est "Besat Af Mørke", Ole Pedersen Luk (le chanteur/guitariste et principal compositeur) a porté davantage son attention pendant toutes ces années sur le déploiement discographique de son autre groupe : le bien-nommé et non moins intéressant AFSKY. "IIII" est donc son ultime album avec le line-up actuel, puisque son départ est déjà amorcé. Récemment le groupe a annoncé son split, faut-il voir une relation de cause à effet ?

Mais ce nouvel opus aussi dense et long soit-il est un véritable tour de force harmonieux et jamais ennuyant. Habité par des passages riffesques superbes, SOLBRUD a gagné en maturité et nous propose des compostions non pas apaisées mais renforcées d’ambiances tout à la fois survoltées et enivrantes. Je pense par exemple au titre incroyable qu’est "Tåge" (=le brouillard). Ce mid-tempo ravageur fait des dégâts. Il communie avec notre rêverie et nous enjoint à entamer une marche frénétique au hasard des rues ou de la nature. C’est comme un appel à s’arracher de la brume de la vie, à reconsidérer la temporalité et à redéfinir les essentiels. L’univers de "IIII" est mâtiné de délicatesse certes mais qu’un Black Metal féroce ronge par les deux bouts. Je pense au superbe morceau "Når Solen Brydes Del II - Mod Afgrundens Flammehav" voluptueusement gorgé des harmoniques d’une guitare acoustique mais que des blasts furieux malmènent. Ou bien encore au titre suivant "Når Solen Brydes Del II - For Evigt, For Altid, Forandret" qui sonne comme une escapade agitée où se vocifère le trop plein et la frustration, mais aussi à l’instrumentale "Når Solen Brydes Del IIII - En Ny Tid For Mig Står" avec son halo sonore serein.

SOLBRUD réussit une première partie assez somptueuse, la foudre et les tempêtes du large fleurant bon les embruns salés de la mer du Nord – l’air et l’eau - ont été impeccablement agités dans tous les sens du terme. Et la bascule avec "Ædelråd", pièce maîtresse de l’album, véritable cavalcade et chevauchée dans les ténèbres forestières est un conte teinté de brutalité agressive entrant en fusion avec le désespoir et l’amertume qui ravit nos oreilles exigeantes. Complexe, c’est peut-être aussi ce titre qui me fait le plus penser à la cousinade possible avec les premiers méfaits de WOLVES IN THE THRONE ROOM ou certains albums de PANOPTICON. Je déroulerai aussi un peu le tapis pour "Sjæleskrig", et son caractère progressif et quelque peu psychédélique qui nous ramène aux bonnes heures du FLOYD, mais aussi pour l’instrumentale Post "Postludium" qui conclue stratosphériquement cet album avec brio. Le feu et la terre, les brûlures, l’incendie des notes souffreteuses et empreintes de beauté sont l’apanage de cette seconde partie que résume et condense très bien "Aske" (=les cendres).

Doublement opulent en tirant sa révérence, SOLBRUD nous prodigue un album quasi intemporel et dépassant d’une belle tête les autres albums de sa discographie. Ce chant du cygne était sans nul doute nécessaire pour clore quinze ans de solidité mélodique. "IIII" est un album clairvoyant et maîtrisé de bout en bout. Technique, dynamique et voluptueux à la fois. L’essence même du Black Atmosphérique à son apogée.