Et bien en voilà un disque qui fait vraiment plaisir à entendre. On n'imaginait même plus que ce groupe-phare des années 80/début des années 90 soit encore capable de sortir un disque de cette qualité. QUEENSRŸCHE pétard... Toute une époque. Ah nostalgie quand tu nous tiens ! QUEENSRŸCHE le magnifique, le maître, celui-là même qui accoucha à l'époque d'une triplette absolument dantesque avec le quasi avant-gardiste "Rage For Order", le merveilleux concept-album "Operation Mindcrime" et le sophistiqué voire ambitieux "Empire". Bien évidemment, on n'oubliera pas non plus "Promised Land", sorti 4 ans plus tard, d'une rare beauté qui amorça un virage musical plus "Floydien", voire plus intimiste. La suite ne sera malheureusement plus jamais, qualitativement parlant, à la hauteur de ces chefs d’œuvre. Mais qu'importe. Tout cela pour dire que ce n'est quand même pas de n'importe quel groupe dont on parle là ! Il s'agit là d'un des plus talentueux combos de sa génération, pour sûr, et très régulièrement en avance sur son temps. À cette époque en tout cas (1986-1994)...

Sauf qu'aujourd'hui les choses ont changé. Il y a désormais deux QUEENSRŸCHE ! Provisoirement sans aucun doute (il y aura prochainement procès pour savoir qui gardera le nom) mais il y en a deux... Et oui... Celui de Geoff Tate, chanteur emblématique du groupe de Seattle, mais convié fin 2012 par ses anciens compagnons à quitter le navire (en même temps quand tu craches sur tes anciens potes et que tu les agresses physiquement, faut pas s'étonner non plus !) et celui de Wilton, Jackson et Rockenfield, trois des membres fondateurs du groupe. Quand on y pense l'ambiance entre Tate et les "autres" devait être quand même assez délétère. D'ailleurs, ne faut-il pas voir sur l'artwork de "Frequency Unknown", l'album du QUEENSRŸCHE de Tate sorti quelques semaines avant l'éponyme qui nous intéresse ici, une sorte de message non subliminal ?

Toujours est-il que les trois rescapés, épaulés par le nouveau vocaliste Todd La Torre (Ex-CRIMSON GLORY avec qui il n'aura d'ailleurs jamais sorti d'album - un peu comme Joe Comeau avec TAD MOROSE) et de Parker Lundgren, viennent contre toute attente d'accoucher d'un album d'une qualité qu'on attendait plus ou presque plus. Littéralement libérée d'un Geoff Tate qui avait indubitablement la main mise sur le groupe et sur l'écriture de toutes les compositions, et ce depuis bien longtemps, la bande s'est incontestablement lâchée telle la soupape d'une cocotte minute. QUEENSRŸCHE, oui ce QUEENSRŸCHE-là a retrouvé non seulement son identité mais aussi d'un coup d'un seul du peps, de l'énergie, de la hargne même à l'image de compositions particulièrement directes, rentre-dedans et sans fioriture telles que "Vindication", l'excellent "Spore" ou encore l'agressif "Redemption" sur lequel Todd La Torre est particulièrement phénoménal avec d'ailleurs quelques phrasés bien atypiques.

Todd La Torre est à QUEENSRŸCHE ce que Ripper Owens était à JUDAS PRIEST. En quelque sorte. Un chanteur assez exceptionnel je dois dire, qui chante tellement dans les même tons, les mêmes intonations que Geoff Tate qu'on croirait Tate lui-même. Le résultat est particulièrement bluffant et impressionnant. Écoutez donc "A World Without" précédée de son introduction "Midnight Lullaby" pour vous en persuader. Le genre de composition qui ne peut d'ailleurs laisser indifférent. Une composition qui vous prend littéralement aux tripes et sur lequel le travail des guitares, flamboyantes, est absolument magistral. Une composition relativement sombre au final, rendant parfaitement hommage à l'ambiance générale de l'album, plutôt froide, obscure et inquiétante ("X2", l'intro de "Where Dreams Go To Die").

On soulignera en plus du très beau travail réalisé au niveau des guitares, non seulement en terme de soli ("Redemption") mais aussi pour dégager quelques subtiles ambiances dont seul le Rÿche a le secret, que ce soit sur les titres les plus virulents ("Fall Out", "Spore") ou sur les titres plus calmes voire même progressifs ("Where Dreams Go To Die", "Open Road") l'excellent taff du Sieur Rockenfield à la batterie et aux percussions omniprésentes et qu'on décèle ici et là ("Where Dreams Go To Die", "Vindication", "Spore") et qui contribue à la richesse de l'album. Enfin, "Queensrÿche" possède un son très puissant (à défaut d'être toujours très clair) qui met bien en avant la basse clinquante du père Jackson.

Vous l'aurez compris, ce QUEENSRŸCHE sans Tate mais avec son clone La Torre renoue quasiment avec l'âge d'or du groupe. Ça faisait bien longtemps qu'on avait pas entendu le groupe à ce niveau. Bien plus riche qu'il n'y paraît, ce "Queensrÿche", solide et homogène de bout en bout, aux guitares si caractéristiques, se situe quelque part entre "Rage For Order" et "Empire" sans toutefois en atteindre la subtilité, le côté sophistiqué et surtout la créativité, la plupart des compositions restant malgré tout un poil trop classiques ("Vindication", "Don't Look Back"). On se délectera toutefois de ce "retour aux sources" qui ne laisse présager que du bon pour la suite si l'on en croit les dires des musiciens qui sont déjà en train d'écrire le prochain album... Un album qui se situera a priori dans la lignée de ce très bon "Queensrÿche" auquel on reprochera cependant sa trop courte durée (35 minutes seulement !) et son manque d'originalité.


Note réelle : 3.5/5 (arrondi à un généreux 4/5)

Morceaux préférés : "Where Dreams Go To Die", "Spore", "A World Without", "Redemption".