AmenRa ce fut avant tout une énorme baffe en live. Le genre de baffe qui vous laisse des traces pendant plusieurs jours. Leur post-hardcore sombre et pachydermique est porté par un chanteur autiste, qui évolue dans une bulle de souffrance. Doté d’un charisme étonnant et peu courant (vous en connaissez beaucoup des chanteurs qui restent dos au public pendant une bonne partie du set ? Même Maynard James Keenan est chaleureux à côté de lui^_^), il m’a vite attrapé aux tripes, pour ne plus les lâcher, et ce jusqu’à la dernière note. Forcément, suite à ce concert, je me suis retrouvée à faire les choses à l’envers: d’abord le live, ensuite l’achat de Mass III, leur premier véritable album.

Bien que le groupe ait déjà sorti des auto productions, on ne peut pas dire qu’ils aient joui jusqu’à présent d’une distribution aussi conséquente que leur talent. Les choses devraient enfin changer avec ce Mass III et leur permettre d’accéder à un statut largement plus justifié que celui qu’ils ont actuellement. Car parmi la scène post-hardcore, difficile de se démarquer des nombreux groupes englués sous les étiquettes « clone de CULT OF NEUROSIS ». Même si NEUROSIS a fortement marqué la musique des belges, ils ont cependant développé un son propre que l’on doit à de fortes influences sludge.

Les premiers adjectifs qui me viennent à l’esprit? Lourd, pesant, poisseux, oppressant… Difficile d’entrapercevoir une lueur d’espoir tant la masse plaque l’auditeur au sol. Le couple basse/guitare forme une rythmique des plus pachydermiques, qui a pour effet de labourer l’esprit de l’auditeur et de réduire ses nerfs à l’état de purée mousseline. Dans cet amas compact gît le chanteur, qui tente désespérément de se frayer un chemin au milieu de cette marche funèbre. Légèrement en retrait par rapport aux instruments comme si ceux-ci l’étouffaient, il propose un chant hardcore torturé, qui se mue le temps d’un instant en chant clair ou qui se voit soutenu par un très joli chant féminin (« Am Kreuz » le seul moment où l’on peut sentir un brin de lumière se faufiler).

Alors que certaines pistes travaillent sur une ambiance de plus en plus agitée tel que « From Birth To Grave » ou « Ritual » qui propose une fin complètement apocalyptique et démentielle, d’autres suivent le schéma opposé en allant vers un alourdissement constant du tempo. « The Pain It Is Shapeless » ou « Le Fils Des Faux » illustrent bien cette particularité. Un rythmique énervée constitue une base, mais elle ne finit jamais par résister très longtemps, et se laisse rattraper par la douleur au gré de passages de plus en plus chaotiques. Tout ce poids écrasant relève presque de l’expérience physique, tant l’auditeur est mis à rude épreuve.

L’esprit sludge voire doomesque sur certains passages permettent à AmenRa d’avoir un plus non négligeable dans toute cette scène en ébullition. Disque à haute teneur dépressive, il vaut mieux éviter de l’écouter par une sale journée d’hiver (genre un lundi de rentrée^_^) tant la douleur emmagasinée explose à la face. 6 pistes constituent Mass III, 6 pistes pleines d’équilibre, mais sans linéarité, 6 pistes hypnotisantes, déroutantes, oppressantes… AmenRa futur incontournable ?