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AMENRA - De Doorn (2021)
Par ISAACRUDER le 2 Octobre 2021          Consultée 1487 fois

Dans son essai "Révolte contre le monde moderne", le penseur traditionaliste radical Julius Evola rend le christianisme coupable de la fin de la spiritualité héroïque, olympienne, majoritaire selon lui dans le premier âge de l'humanité, le fameux "Âge d'or" commenté par Hésiode. Une religion qu'il estime féminine, consacrée à la dévotion, à la passivité, à la soumission plutôt qu'à l'élan guerrier et à la conquête. Au type positif de l'ascète-combattant aurait succédé une caste de fidèles entravés par la question du péché et aliénés par l'idéal sous-jacent d'une égalité universelle. La pensée d'Evola correspond bien sûr à son époque, lui qui eut l'oreille de Mussolini avant que ce dernier le rejette en raison de son opposition à la question de la race biologique. Car Evola est un métaphysicien, auquel importe davantage la race de l'esprit que la basse conception raciste des fascistes italiens et des nazis. En ce sens, il me semble qu'il se trompe sur la portée héroïque du sacrifice christique, et que sa pensée, cloisonnée dans un idéalisme du héros olympien, ne peut accepter la complexité du symbole de la Croix et de la couronne d'épines, magnifiquement représentée sur ce "De Doorn" d'AMENRA. Lorsque le Christ refuse de prendre l'épée comme le souhaitaient ses disciples et qu'il va vers sa mort librement, il incarne bien cet héroïsme et cette figure d'ascète vantée par Evola - et davantage encore par René Guénon. Ce n'est pas une passivité mais une action libre, une acceptation : à l'instar du Buddha, le Christ entre dans sa Passion déjà transfiguré. Il n'appartient plus à la vie, il est déjà dans un état de grâce. Tout son parcours le mène à cette fin qu'il choisit. C'est là sa gloire et sa puissance, sa discipline et sa transcendance.

Le parcours d'AMENRA suit de façon intéressante ce qu'Evola appellerait une involution spirituelle. Les premiers "Mass" étaient des oeuvres agressives, dépositaires d'une action transformatrice ; l'atmosphère même était celle de combattants qui baignent dans la foi, tels des Templiers, à la fois ascètes et guerriers. Or, depuis "Mass VI", AMENRA dépose les armes et approche les rivages de la grandeur de la foi chrétienne et de la spiritualité bouddhiste. Méditatif, contemplatif mais profondément mystique, "Mass VI" incarnait une transition stupéfiante. "De Doorn" vient achever une mue salvatrice. Car le Templier peut mourir par l'épée, ou choisir de ne pas dépendre d'elle et tracer sa voie au-delà de la mort qu'il ne craint pas et qu'il accepte dans la délivrance. AMENRA, avec "De Doorn", et avant lui "Mass VI", entre donc dans une forme d'ascèse superbe, son art intégralement dirigé vers le Soi, l'exploration intime, le dieu qui se cache en chacun de nous.

Cette quête du Graal - non un vase bien sûr mais une transformation de l'être - passe par la langue. En chantant en flamand, AMENRA choisit de revenir à ses origines. En résulte une beauté certaine, comme ce chant clair très TOOL sur "De Evenmens", de même qu'une intensité immortelle ravivée par la flamme d'une langue maternelle, terreau identitaire. Le thème même de cet album est révélateur. "De Doorn", soit "l'épine", comme celles qui peuplent la Sainte Couronne et font verser le sang du Sacrifié, ou bien, symboliquement, celles qui entravent le chemin de l'ascète qui saura ou non accepter la douleur qu'elles infligent pour parvenir en haut de la montagne. "De Doorn" est particulier car, brisant la chaîne monotone des "Mass", il devient cet élément singulier dans une discographie, une exploration intimiste à part, où l'apparente dévotion se mêle au récit introspectif.

Il était donc fort logique qu'un album aussi intime et différent bénéficie du soutien de Caro Tanghe, la chanteuse d'OATHBREAKER, elle-même habitée par des forces supra-terrestres, et faisant office sur "De Doorn" de vestale à la supplique déchirante ou à la prière délicate, comme sur l'étrange "De Dood In Bloei", ambiante et surnaturelle. Allié au passage central de "Het Gloren", ce moment apaisant met en valeur la langue flamande et accentue le choix d'AMENRA. En prenant le parti du nu, de la voix comme élément central, le groupe se rend vulnérable mais c'est dans cette vulnérabilité et cette libération qu'il se transfigure. C'est certainement là le point fondamental de "De Doorn", ce qui en fait sa force mais, paradoxalement sa grande faiblesse. En expérimentant davantage d'Ambient, d'acoustique et de spoken word, AMENRA se libère de ce son caractéristique et désormais trop attendu. Pourtant, il ne peut entièrement s'en détacher. "Ogentroost", bien qu'efficace, n'est qu'une énième itération du AMENRA des "Mass". Et face à cette démonstration de force trop habituelle, l'introduction de "Voor Immer" vient s'opposer, dans une démarche de lumière et de quiétude, encore bien trop timide.

En fin de compte, ce qu'AMENRA tente dans "De Doorn", il le fait bien, mais ne le pousse pas jusqu'au bout de sa logique. Il lui fallait sacrifier l'action olympienne et embrasser la paix christique. Abandonner l'héroïsme guerrier et entrer dans la posture de l'ascète en état de grâce. On attend encore l'album d'AMENRA qui sera délivré de la pesanteur du Sludge, des mêmes réflexes riffesques, et qui ira à contre-courant de ce que l'on attend de lui, comme le Christ alla à contre-courant de l'idée du Messie d'Israël.

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   ISAACRUDER

 
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- Colin H. Van Eeckhout (chant)
- Caro Tanghe (chant)
- Levy Seynaeve (basse)
- Mathieu J. Vandekerckhove (guitare)
- Maarten P. Kinet (batterie)
- Lennart Bossu (guitare)


1. Ogentroost
2. De Dood In Bloei
3. De Evenmens
4. Het Gloren
5. Voor Immer



             



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