1992, GUNS N’ ROSES est au top de sa notoriété et sent encore plus le soufre que les biftons. Ils entreprennent alors une tournée mondiale qui passera par la France et donnera lieu à un mythique concert auquel j’ai eu la chance d’assister. Parmi les guests, Lenny KRAVITZ et les Toxic Twins d'AEROSMITH, Joe Perry et Steven Tyler. N’en jetez plus, ce show est depuis l’une de mes madeleines de Proust. En "Special Guests" comme on dit de nos jours, un SOUNDGARDEN en guise de caution Grungy et FAITH NO MORE. Qui ça ? Comme je suis un petit curieux, je suis allé me procurer "The Real Thing", dernier album sorti à l’époque ("Angel Dust" rejoindra les bacs des disquaires quelques jours après l’évènement). C’est donc relativement vierge, mais intrigué, que j’ai pu assister à mon premier (certainement pas le dernier) live des barjots de Frisco. Premier show, première mandale.

"The Real Thing" est marquant à plus d’un titre. Déjà, exit Chuck Mosley, miné par son inconsistance, ses addictions, son caractère erratique, dans un groupe qui ne manque déjà pas d’egos et de tensions. Pour le remplacer, un certain Mike Patton, qui officiait précédemment au sein de la formation (encore plus) déjantée MR BUNGLE. Chanteur incroyablement polyvalent, personnalité "bigger than earth", showman aussi génial qu’incontrôlable et scatophile, il était la pièce manquante à un univers musical déjà bien bariolé, riche d’influences multiples allant de la Funk au Metal, en passant par le Rap ou la New wave. Le puzzle s’assemble donc sur ce troisième opus, et la reconnaissance mainstream arrive avec "Epic", single formaté MTV, contre la volonté des Californiens.

S’il existe des similitudes avec les RED HOT CHILI PEPPERS qui s’affirment sur ce morceau, la basse bien slappée/groovy, le chant un brin maniéré à l’époque de Patton, il serait hautement réducteur de résumer le disque à un vulgaire ersatz. Entre un clavier omniprésent ("Woodpecker From Mars", une reprise pesant trois tonnes du "War Pigs" de BLACK SAB’, et des aspects bien plus cyniques et sombres ("Falling To Pieces") malgré les mélodies enjouées ("Underwater Love"), il existe un monde d’écart avec Flea et sa bande. FNM invente un univers musical avec le furibard "Surprise You’re Dead", incroyablement heavy pour l’époque, et ce sont plutôt les RED HOT qui viendront appuyer les aspects les plus lourds ensuite, avec l’arrivée de Navarro. Le Neo est né, ici-même, ne nous y trompons pas, voire le Metalcore ricain. La compétition à deux balles, montée de toutes pièces, n’avait clairement pas lieu d’être.

L’album est consistant, n’offre que peu de temps faibles. Certains morceaux à tiroirs, incongrus à l’époque, viennent surprendre, comme l’éponyme ou "Zombie Eaters". Patton nous caresse pour mieux nous torgnoler la tronche la minute suivante, et démontre un potentiel sans limite, pas totalement assumé à mon sens sur "The Real Thing". Il est vrai qu’il avait rejoint le groupe juste avant l’enregistrement, ayant relativement peu participé aux compositions. Parlons d’ailleurs de l’écriture, beaucoup plus consistante que sur "We Care A Lot" ou "Introduce Youself". On est ici en présente de chansons cohérentes dans leur démesure, bien plus maîtrisées. Quel pied !

Il ne restait plus qu’à lâcher les derniers chevaux encore attelés sur "Angel Dust", pour parvenir à quelque chose qui se rapproche quand même beaucoup de l’idée que je me fais de la perfection. "The Real Thing" n’en demeure pas moins particulièrement jouissif, encore de nos jours.