On a tous nos petits chouchous. Ceux que l’on défend envers et contre tout, faisant preuve d’un déni franchement scandaleux quand vient le temps de juger de la qualité d’un opus objectivement raté. Me concernant, PRONG fait indubitablement partie de cette catégorie. J’éprouve en effet une tendresse particulière pour Tommy Victor. Une vie passée dans l’antichambre du succès, toujours présent mais jamais véritablement reconnu à sa juste valeur. Bien entendu, "Snap You Fingers, Snap Your Neck" avait fait son petit effet en son temps, cette basse démente et ce son de guitare en papier de verre. Évidemment, "Rude Awakening" était un excellent album, qui aurait mérité un autre destin, ne sortant que trop peu d'une sphère d’initiés.

Car PRONG possède une fan base, fidèle quoique réduite. Il faut reconnaître que le créneau choisi manque peut-être de clarté pour le commun des mortels. Officiant entre Thrash, Groove et quelques touches Indus, les Américains ne rentrent réellement dans aucune case, et ne proposent que peu de hooks particulièrement catchy. Fortement influencé par la scène Hardcore New-Yorkaise, que l’on retrouve dans l’approche vocale de l’ami Tommy, le combo ne remonte clairement pas la robe devant le premier venu. Sans fard ni apparat, la formation balance des parpaings rêches et sans concession depuis maintenant plus de 35 ans. Il y a donc quelque chose de magique à les voir toujours debouts, devant nous, en 2023, nous livrant un nouveau LP sobrement intitulé "State Of Emergency", la rage toujours plus prégnante au moment de défendre ses chances devant de nouvelles générations de Métalleux.

Si "Ruining Lives" constituait déjà une relative réussite, ce nouveau disque enfonce le clou, à grands coups de boule. Il n’est pas nécessaire de gonfler les pectoraux pour faire preuve de puissance, PRONG l’a bien compris depuis longtemps. Puisant son identité sonore du côté d’un KILLING JOKE depuis un long moment, le groupe sait parfaitement comment briser des dents tout en cassant des cervicales, sans avoir à booster sa production de basses contrefaites comme une vulgaire bande de Metalcore. Le meilleur exemple est sans doute "Breaking Point", une véritable pépite dans la lignée de "Snap Your Fingers…", qui réussit l’exploit de faire headbanguer la tête tout en remuant votre popotin.

Malheureusement, le disque se montre de par trop hétérogène, amenant notamment des morceaux Punk Rock qui n’ont rien à foutre là ("Disconnected", "Non-Existence"). Ça tombe comme un cheveu sur la soupe, même si en soi, les titres ne sont pas intrinsèquement mauvais. Ce n’est juste pas PRONG. Ou alors, faites une galette complète (emmental-œuf-jambon) dans le genre si ça vous chante, mais entre deux coups de tonfa (le délicieux Thrashy "The Descent" ou un "Obeisance" bien haché pour ne pas les citer), ça interpelle franchement.

Si ce n’est sans doute pas encore pour cette fois que Tommy montera en D1 (caramba, encore raté), "State Of Emergency" n’en demeure pas moins un bon album de Metal, à la croisée des genres, réalisé dans l’amour de l’art avec une intégrité absolue et un son de gratte abrasif si particulier. Rien que pour cela, il mérite votre attention (bon, ok, aussi un peu pour "Breaking Point"…).