DÖDSRIT, chevalier mort si je ne m'abuse, comporte dans son nom suffisamment de puissance évocatrice pour attirer le cynique que je suis. À l'heure où j'écris ces lignes, quelques jours nous séparent de 2018 et le chevalier est mort depuis longtemps en effet. Son courage a déserté le monde, son code d'honneur a été tourné en ridicule par les défenseurs de la liberté - qui en a certainement marre d'être défendue par des cons - et son allégeance à Dieu décrite comme une aberration, jusqu'à n'être plus qu'un folklore dans nos sociétés techno-scientifiques nihilistes et marchandes. Le chevalier ne peut qu'être mort dans une époque qui ne croit plus en rien, dans laquelle l'individu ne s'élève plus qu'à travers un travail de bureau terrifiant d'ennui mais qui assure un confort, une torpeur, une petite mort pour le citoyen occidental nourri à la publicité et aux antidépresseurs. Le chevalier est surtout devenu un folkore de plus. S'il n'est pas passé sous la foreuse révisionniste - c'était un nazi le chevalier hein - il est simplement devenu un avatar du Passé. Avant la fin de l'Histoire. Autant dire qu'il ne nous intéresse pas.

Pourtant, pour ceux qui ont dans leur cœur cette passion pour l'épos et le tragos, DÖDSRIT est une cure de soleil dans la nuit de notre monde en phase terminale. Un album au souffle épique indéniable, aux mélodies qui semblent immémoriales, à la rythmique-chevauchée qui fend l'espace avant le coup d'estoc. Le Black/Crust de DÖDSRIT est ce qui se fait de mieux à l'heure actuelle. Pas de démarche de poseurs vendus à la Marchandise, pas de posture d'ultraviolence pour décérébrés drogués à France Inter, non ; seulement l'authentique désir de conter, et de conter avec une énergie qui donne le sentiment d'être propulsé sur un champ de bataille antique ("Svard Aska").

Le gars vient de TOTEM SKIN, on pouvait donc se douter qu'il n'allait pas nous chanter une vulgaire piste automatique de R'n'B pour qu'on puisse twerker et se reproduire entre adultes morts-nés. DÖDSRIT c'est bien plutôt un TRAGEDY qui aurait flirté avec le Black Metal. Par moments ses tendances mélodiques rappellent MARTYRDÖD ou MGŁA ("The Void" et son riffing majestueux), preuve que le Black et le Crust peuvent s'allier pour le meilleur. Pour autant, les blasts n'envahissent point l'espace. Ils ne sont que des portions de violence, très vite écartées pour un Crust Punk guerrier ("Endless Circle" et ses lancements de riff venus du meilleur des squats d'Europe de l'Est) ou des mid-tempos atmosphériques de toute beauté comme dans "The Void" qui prouve la capacité des Suédois à chanter une authentique contemplation de leur nature, avant un final Crust Heavy divin aux allures de spectre des guerres antiques.

"Gräva Sin Egna Grav" est le chant final de cet album excellent, avec son aura héroïque à la FALL OF EFRAFA. DÖDSRIT, avec ce premier album, enterre une année sous les gravats expulsés par sa force de frappe. Véritable poème homérique à la gloire d'une époque passée, avec son artwork Black Metal illustrant une épaisse forêt nordique - qui sera un jour remplacée par sa variante de plastique - cet album est une morgenstern qui s'abat sur le païen que tu es certainement cher lecteur. Nul doute que tu en ressortiras convaincu que deux mille ans de culture grecque, latine et chrétienne ne produisent pas que de la Trap Music, mais bien encore - et pour combien de temps ? - des épopées comme DÖDSRIT. Ou bien ce coup de masse te fera l'effet d'une émission de Hanouna. Soit l'Éternel Retour appliqué à des vies minables, insultes à la Création. Et bonne année !