La pilule bleue ou la pilule rouge ? Prenez la pilule rouge pour rester au pays des merveilles et explorez le terrier en profondeur. Prenez la bleue et l’histoire s’arrête, vous vous réveillerez dans votre lit et croirez ce que vous aurez envie de croire. L’allusion au choix cornélien proposé par Morpheus à Neo dans The Matrix n’est pas fortuite, et ce à plusieurs niveaux.

D’une part, la saga GUNS N’ ROSES, faite de fureur, de sang, de stupre et de larmes s’achève en effet quelque part ici, avec ce second volet du diptyque "Use Your Illusion". La suite ne sera qu’une succession d’occasion manquées sur lesquelles je reviendrai en temps voulu, entre décadente grandiloquence et pétards mouillés. Ce fut un beau voyage, mais cet opus marque clairement la fin d’une époque dans un boursoufflement incongru.

D’autre part, car l’on n’est jamais surpris par cet opus qui semble issu de chutes de studios des sessions d’enregistrement gargantuesques, ce qui n’est ni tout à fait exact (certaines compositions datent alors en fait de l’époque "Appetite For Destruction"), ni tout à fait faux tant certaines pistes semblent avoir été assemblées à la va-vite : quel intérêt à sortir une nouvelle version de "Don’t Cry" avec des paroles alternatives, moins inspirées que l’originale ? Quel sens à "My World", qui préfigure l’infâme "Absurd" sorti trente ans plus tard ? "Breakdown" n’a rien dans le bide, malgré l’avoir écouté 200 fois sans doute dans ma vie. "Yesterdays", itou.

Après, il subsiste suffisamment de talents dans ce groupe pour que l’ensemble reste de qualité, n’allez pas me faire dire ce que je n’ai pas dit. "Civil War" par exemple, est une excellente chanson. Elle constitue par ailleurs le chant du cygne pour Steven Adler, qui y soigne ici ses dernières parties au sein des Gunners. À son sujet, Izzy soulignera d’ailleurs le manque laissé par l’implosion en vol du blondinet, maître du groove, et confessera à quel point tout sonnait plat sans lui (coucou Matt Sorum). "14 Years" fonctionne bien, en écho au "Dust N’ Bones" du "Use... I". Et "Shotgun Blues" démontre que le combo sait encore sortir des pistes directes et agressives, à défaut d’être éternelles.

Reste un bijou néanmoins : "Estranged" est juste magnifique, parsemée de leads de guitares somptueux. L’occasion de souligner le boulot de Slash sur ces 2 LP, inspiré comme jamais au moment d’écrire ses soli, peut-être même plus mémorables que sur "Appetite..." à défaut de trouver la même complémentarité avec son comparse sur les rythmiques qu’auparavant. Quelques instants de grâce parcourent cette chanson qui justifie de par elle-même l’existence de ce "Use Your Illusion II". J’exagère un peu, car "You Could Be Mine" fonctionne également, tout comme "Pretty Tied Up", qui aurait gagnée néanmoins à délaisser ses claviers envahissants (salut Dizzy). Une constante ici.

Bref, peu de morceaux d’anthologie, des titres agréables mais franchement oubliables ("So Fine", "Locomotive"), et également de gros loupés. Désolé Fenryl, mais "Get In The Ring", je n’y arrive pas. "Use... II" ne possède pas la constance du premier. Il monte aussi haut – mais moins souvent – et descend franchement plus bas. Là où la pilule rouge conservait une certaine forme de cohérence malgré sa grande variété, la bleue ressemble plus à une compilation qu’à une œuvre à part entière.

Mon choix est fait. Et le vôtre ?