La tragédie d'une révélation est son côté intrinsèquement ineffable. Celui qui en fait l'expérience, s'il redécouvre par celle-ci un univers transformé et méconnaissable, est dans le même temps condamné à vivre au milieu de personnes qui ne peuvent percevoir ce monde transfiguré et ne peuvent intimement comprendre l'essence mystique de cette révélation sans l'éprouver à leur tour. Une telle révélation peut bien alors se transformer en cadeau empoisonné, une joie troublée par le désespoir, par cette incapacité à soi-même répandre la bonne nouvelle, exposer la vérité nue, rayonnante comme un soleil.

Prenons un exemple.

Il m'est aujourd'hui insupportable de savoir que des gens refusent d'accepter ATLANTEAN KODEX comme un des meilleurs groupes de Heavy Metal de tous les temps. C'est quelque chose qui m'est parfaitement incompréhensible, contre-nature, pas très loin de la preuve de l'inexistence de Dieu. Pourtant, mes capacités d'abstraction entraînées par l'étude d'objets mathématiques à faire périr nos lecteurs d'ennui me permettent de conceptualiser ne pas aimer MANOWAR pour d'obscures histoires d'imagerie ou de débâcles récentes. Concevoir que WARLORD reste hermétique à des personnes proclamant une appréciation pour le Heavy Metal traditionnel, là aussi j'y arrive – on fait tous des erreurs dans la vie. Je peux imaginer que des gens aliénés par le train déréglé d'un quotidien au rythme de la flexisécurité se fassent chier sur SOLSTICE. Je peux même, au prix toutefois d'un grand effort intellectuel, démontrer l'existence de mystérieuses pathologies auditives empêchent de malchanceux auditeurs de passer outre la production de SCALD et de les considérer comme un sommet du Doom.

Mais ATLANTEAN KODEX, pas possible. Un mur axiomatique, une impossibilité logique. Allez-y pour voir, j'ai tout essayé. Avec beaucoup d'efforts vous pouvez râler jusqu'à faire de microscopiques avancées, je vous fais gagner du temps : gnagna le chanteur n'est pas Halford ou Adams, gnagna c'est long, gnagna la batterie sonne quand même mieux sur le suivant. Voilà, un tiers d'étoile vous êtes bien avancés dites donc. Bon, comme vous me faites de la peine je vous montre gratter un sixième en plus : à la fin de l’enchaînement "Sol Invictus" – "Heresiarch" – "Twelve Stars" le disque est déjà tellement bon qu'on aurait pu s'arrêter la. Maigre critique, je sais bien, on ira pas très loin avec ça.

Alors je pourrais enchaîner, faire mon analyste à grand coup de riffs en triolets ou vous expliquer pourquoi "Sol Invictus" représente l'idéal du Heavy épique mais vous trouverez vous-mêmes comme des grands. Soyez sages, faites vos devoirs à la maison. J'attire néanmoins avant la fin de la classe votre attention sur un détail trop souvent négligé dans le Metal, je veux bien sûr parler des paroles.

From Attica's green pastures to Albion's white shores
From Thule's boiling geysers to the walls of Hagar Q'im
Beneath this fragile crust of this modern age of reason
A darker world lies waiting, primordial and pure
Hidden in the shades from ratio's great pondering
To rise when the stars are right

C'est peut-être une espèce de gloubi-boulga mystique par des gens qui ont trop lu James Frazer et Max Müller, mais ça fait quand même sacrément du bien.