En invitant Kristoffer "Garm" Rigg à chanter sur deux titres, presque 20 ans après le sublime "The Olden Domain", Mr Brun a commis une faute en forme d'aveu.

La prestation du leader d'ULVER est évidemment superbe et très inspirée. Il illumine en particulier le morceau-titre. Tout cela méritait bien un clip. Sa mise en scène en dit long : au chaud dans une maison viking en bois, tout le groupe, assis confortablement, interprète le titre, entre peaux de bêtes et feu dans la cheminée. Les deux grands guests (Lazare de SOLEFALD, et ICS Vortex) commencent le morceau avant de se taire définitivement pour laisser le maître Rygg tranquillement transcender les trois-quarts du joli morceau. Mais attendez, il manque quelqu'un dans ce chalet norvégien !? Et oui, l'unique pourvoyeur des vocaux black, le Suédois Vintersorg, n'est pas invité à faire office de son chant clair, de même qu'il apparaît filmé seul dans son coin (ses parties ont certainement été tournées à part).

Excusez mon analyse psychanalytique à deux balles mais je trouve tout cela très révélateur : Brun collabore avec Andreas "Vintersorg" Hedlund depuis des années faute de mieux, personne d'autre n'ayant le temps ou l'envie de faire tout un album, Lazare et Vortex participant juste un peu au niveau vocal (et c'est bien dommage de ne pas les entendre plus). Mais quand l'occasion se présente de retoucher enfin au sublime avec Rygg, tout le monde dégage.

"Winter Thrice", la chanson, tout à fait excellente, ne doit pas nous tromper sur la marchandise. "Winter Thrice" l'album, est un honnête disque de Metal Extrême Progressif (dans la lignée de "Urd", en moins varié), à la production bien proprette, essentiellement porté par Vintersorg, chanteur sympathique et carré, qui n'a pas peur d'avoir une coupe en brosse, un petit bouc bien taillé et de plisser le museau quand il crie. On peut le remercier pour ces années de bons et loyaux services et pour avoir aidé au sauvetage de BORKNAGAR avec "Empiricism" après le marasme de "Quintessence".

Mais voilà, c'est désespérément plat. Le Suédois peine à inventer des lignes de chant saisissantes et son timbre de voix claire, même s'il est bon, n'a pas ce petit plus qui fait se dresser l'oreille, au contraire de celui de son collègue Lazare qui apporte une bonne bouffée d'air frais sur le très SOLEFALD-ien (et pour cause) "Panorama".

Allez, tout n'est pas si mal, "Erodent" est presque très bon (même la ligne de chant de Vintersorg est prenante), "The Rhymes Of The Mountain" et "Cold Runs The River" tiennent le choc (et passent bien en live) et quelques petits moments disséminés ça et là viennent aguicher l'oreille.

Mais le featuring de Rygg nous rappelle cruellement l'écart immense de qualité artistique entre l'époque plus que révolue de "The Olden Domain" et aujourd'hui. La ligne de chant qu'il a posé sur le titre "Winter Thrice" éclipse la concurrence et mérite d'être interprétée passionnément sur scène par les trois chanteurs (Athera, Lazare et Vortex). On peut s'en rendre compte à la fin de leur prestation au Wacken de 2016 (qu'on a pu voir filmée sur Arte Concert) où Vintersorg est remplacé par le copain norvégien Pål "Athera" Mathiesen (CHROME DIVISION) qui a su se rapprocher habilement des prestations de Rygg et Vintersorg.

On conclura en rappelant que l’expression "Winter Thrice" est directement tirée des paroles de "The Dawn Of The End" qui concluait magnifiquement "The Olden Domain" en 1997 ("Autumn-twice, Winter-thrice/River And Rock/A New Kingdom Rise/I Close My Eyes"), ultime regard nostalgique sur cet Age d’Or perdu.