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FUNERAL-DOOM ATMO  |  STUDIO

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- Style : Tyranny, Ophis, Catacombs
- Membre : Midnattsol, Mystic Circle
 

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AHAB - The Giant (2012)
Par WËN le 8 Octobre 2012          Consultée 10071 fois

Lorsque mon confrère Enenra, plantant son harpon dans les chairs de l'énorme cétacé gisant, inerte, contre le flanc du navire me lança fièrement : "Tiens, mon grand, c'est pour toi, en guise de cadeau de bienvenue !", je peux vous garantir que mon sang ne fit qu'un tour. Comprenez-moi bien, malgré mon expérience je me trouvais confronté pour la première fois à un tel bestiau de Funeral-Doom, ne sachant trop ni par où ni comment débuter la décortication de l'extraordinaire animal afin d'en extraire le précieux spermaceti.

J'en ai vu des monstruosités hanter les profondeurs, mais du gabarit de celle-ci, rarement. D'un blanc laiteux et d'une laideur sans pareil, la carcasse marquée d'innombrables balafres témoignant de sempiternels combats et la mâchoire tordue sous la force d'incessants assauts contre autant de baleiniers; tout à la fois terreurs des sept mers et divinité des océans, l'abominable pachyderme nautique, se tenant amarré face à moi, ne fut pas réputé pour sa finesse. Parmi la liste de méfaits longue comme le bras lui étant attribuée, ses deux dernières œuvres, témoignant de sa folie meurtrière envers qui tentait de troubler sa quiétude, sont à vous étreindre le palpitant rien qu'à leur évocation. Le Pequod, sabordé puis englouti par de ténébreuses masses aqueuses lors d'une ultime chasse infructueuse, repose maintenant, brisé, sur sa sablonneuse couche mortuaire. De son équipage, un unique survivant put en narrer la fatale épopée; des autres, disparus corps et âmes, seules furent retrouvées les carcasses éventrées de leur baleinière. Pire encore fut le sort de l'Essex, parti lui aussi trente ans plus tôt de Nantucket, et dont les rescapés de l'attaque du cachalot géant, écrasés par un soleil de plomb, furent condamnés et forcés, sur leur radeau de fortune, à s'entre-dévorer pour subsister. Ô funeste festin !

De l'histoire de l'Essex, Herman Melville, s'inspira pour son roman "Moby Dick". Des deux, AHAB, puisa la substantifique moelle pour tisser le concept de ses deux premiers disques, respectivement retranscrit sur "The Call Of The Wretched Sea" (2006) et "The Divinity Of Oceans" (2009). L'ainé nous plongeait dans un marasme glauque et sous-marin fidèlement reproduit par le groupe où, par de subtils effets de production et un travail poussé sur les sonorités, nous devinions la monstruosité rôder au sein de ces eaux poisseuses et poissonneuses jusqu'à ce que nous assistions, accablés, à son ultime joute face au Pequod, condamné par son fou de capitaine. Le cadet, en revanche, annonçant l'apparition d'un chant clair encore perfectible mais saisissant, semblait sombrer et s'abandonner à la fatalité. La fatalité liée à l'immuabilité des immensités océaniques pour qui, sur un radeau sans eau ni vivre, n'a d'autre choix que de se laisser dériver, n'espérant nul salut autre que le trépas, assommé par la chaleur de l'astre solaire dardant sur lui ses implacables rayons.

N'y allons pas par quatre chemins, j’eus été en charge de la discographie de AHAB, je pense honnêtement que les trois albums du groupe eussent terminé en sélection du site. Pas que j'aie la notation facile, encore moins que le groupe se soit contenté de nous présenter un trio de disques identiques. Bien au contraire, chacun de ceux-ci se révèle être une étape bien distincte dans un constant processus d'évolution et de recherche sonore, et ce depuis l'enfantement, non sans douleur, de la bête. Ainsi, de Nautik Funeral-doom, il n'est clairement plus question ici. Après avoir longtemps squatté les profondeurs abyssales de notre genre favori, le pâle cétacé s'extirpe petit à petit des fonds vaseux qui l'ont vu naître et s'épanouir, pour se mouvoir dorénavant près de littoraux plus atmosphériques. Car c'est une réalité, AHAB vulgarise ici son Funeral-Doom, le rendant plus accessible, moins extrême, mais sans pour autant y concéder une once de l'intensité de la chose. Les émotions véhiculées y sont juste différentes.

Tel le vieux marin du poème de Coleridge, c'est une formation marquée par l'expérience de son long périple qui rentre au bercail. Et même si aucun volatile de mauvais augure n'est venu lui déféquer dans les gréements (vous connaissez la chanson), elle en a vu des choses. De cette expérience, en basant cette œuvre sur "The Narrative of Arthur Gordon Pym of Nantucket" de E. A. Poe (là aussi une épopée maritime fantastique tirant vite au cauchemar), elle opte ainsi pour le pari risqué de sonner différemment, s'accordant le temps nécessaire à broder ses ambiances afin de nous la retranscrire au mieux. D'emblée, le son y est beaucoup moins massif qu'auparavant et les lames de riffs, moins impétueuses, ne vous malmèneront plus comme par le passé. Préférant se la couler douce, AHAB se vautre dans des eaux claires et fraiches, seulement ridées des seuls sillons d'une basse vagabonde et d'une batterie envoutante, et se concentre à nous délivrer quelques sublimes mélodies empruntes d'embrun ("Further South", "Antarctica (The Polymorphess)") et parfois même mouchetées d'une légère brume psychédélique ("Deliverance (Shouting At The Dead)", sur sa seconde partie).

Même s'il ne renie nullement les sombres profondeurs dans lesquelles il fut jadis engendré, AHAB évolue lentement vers un Doom-atmosphérique classieux tissé d'une sensibilité toute relative et d'une mélancolie rare ("Aeons Elapse") où le chant clair, presque suédois dans les intonations et la déclamation du propos, se taille la part du lion de mer. "Antarctica" et "The Giant", à elles deux, sauraient témoigner du grand écart stylistique auquel aiment se prêter les Allemands sur cet album de nacre franche. La première, distillant ses fines notes comme autant d'entêtantes gouttes cristallines, s'impose comme une superbe pièce flegmatique et aérée tandis que la seconde ne manquera pas de vous faire opiner du chef sur son furieux final proche d'un Sludge vaseux et nauséabond, aux accords répétés à outrance, clôturant l'album de fort belle manière. Autre point commun à ces deux morceaux, l'intervention vocale d'Herbrand Larsen (ENSLAVED, ex-AUDREY HORNE) en charge des couplets de "The Giant" et qui, de son chant clair caractéristique associé à celui de Droste, va nous gâter de magnifiques duos de chœurs sur "Antarctica". Cependant n'allez pas vous figurer que AHAB en est pour autant devenu délicat, le mastodonte ayant su garder en soute quelques lourdes accélérations dont il a le secret. Les éléments qui ont fait son succès, restent donc de rigueur : le chant ultra-guttural propre au genre, les riffs pachydermiques, cette désespérance inhérente couplée à quelques ambiances oppressantes, tout y est, mais plus seulement. De cet abyssal passif, "Fathoms Deep Bellow" et "Time's Like Molten Lead" (la piste bonus de l'édition digipack) ou encore la première partie de "Deliverance" en sont d'aquatiques preuves.

En somme, avec ce majestueux "The Giant", AHAB nous propose ici sa vision toute personnelle du Funeral-Doom : une musique immuable pour un genre ne devant pas nécessairement l'être pour autant. Obligé de remonter régulièrement à la surface pour s'oxygéner, le nautique mammifère, se plait à changer la donne au fur et à mesure de ses pérégrinations. Le Funeral-Doom y tient toujours une place prépondérante, ne nous le cachons pas, mais en lui donnant cette apparence plus éthérée, moins opaque, le groupe aère sa musique et, n'ayant cesse d'y insuffler de nouveaux éléments, évite ainsi la redite et le risque de lasser l'auditeur. C'est tout à son honneur. Pour ma part, je serais tenté de considérer ce cru 2012 et ses expérimentations comme un aboutissement de l'évolution menée par les membres du groupe, qui tranche, certes, avec les œuvres précédentes, mais qui s'inscrit dans une démarche de recherche artistique riche et cohérente et, avec le recul, pas si surprenante que cela.

Encore une belle pêche pour un 4,5/5 amplement mérité. La plus belle offrande qu'il m'ait été donné d'écouter en 2012, pour le moment.

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- Daniel Droste (chant, guitare)
- Christian Hector (guitare)
- Stephan Wandernoth (basse)
- Cornelius Althammer (batterie)


1. Further South
2. Aeons Elapse
3. Deliverance (shouting At The Dead)
4. Antarctica (The Polymorphess)
5. Fathoms Deep Below
6. The Giant
7. Time's Like Molten Lead (bonustrack)



             



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