Il a fallu que j'attende jusqu'à l'automne pour recevoir ma claque épique/mélancolique de l'année ! Du bon vieux Doom sirupeux, musculeux et homérique comme peu de groupes en font. Voici ISOLE.

Quel meilleur temps que la saison multicolore pour ce genre de sortie, alors que la dépression saisonnière se pointe, indésirable et tenace invisibilité ? L'heure où les pensées se noircissent d'elles-mêmes, que notre esprit prend le contrôle de notre train déraillant (z'inquiétez pas, je ne prose pas pour rien, j'écoute l'album en même temps). Ah si, vous êtes comme ça, à moins que vous demeuriez dans l'hémisphère sud, bande de chanceux… Mais je sais que la plupart d'entre vous avez besoin de vos quatre saisons pour bien apprécier la diversité de notre planète et la richesse… musicale. Car des albums de génie, de rêve, vous labourant les tripes comme "Born From Shadows", ça s'écoute peut-être toute l'année, mais ça se déguste l'automne, dans la fragile quiétude d'un cocon improvisé. Des albums comme "Born From Shadows" sont non seulement des moments d'éternité, mais des hymnes à la douleur, aux sentiments plus grands que nature. C'est une beauté gothique aux longs ongles acérés vous endormant d'un long baiser empoisonné (je prose encore, parce que l'album, ben, y'est pas fini).

ISOLE frappe un très grand coup avec son cinquième album. Du Doom bien planant aux mélodies marquantes et à la forte teneur en atmosphères déchirantes. Oui, déchirantes. Celles de "The Lake", la pièce-titre et son refrain inoubliable ou "When All Is Black", notamment, sont particulièrement saisissantes. Les Suédois savent aussi pimenter leurs compos de passages plus vaporeux, rêveurs, comme l'excellente "Come To Me", sur laquelle on saisit toute la puissance du chant clair dans cette tombée de feuilles mortes (vous entendrez des intonations Akerfeldtiennes sans doute), cette ode mélangeant courage et souffrance. Il faut savoir que le groupe adore tisser de ce genre de morceau triste, où de lourds sentiments s'entrecroisent. Le désespoir et la nostalgie forment ses fondations premières et elles sont si brûlantes, qu'on dépasse le cap d'un Metal dépressif ; ISOLE mérite plutôt une promotion en transformant ses thèmes chéris en une mine d'or épique aux envolées grandioses, parfois exagérées car on devine qu'elles veulent percer la voûte céleste. Si, le ciel, c'est pas assez.

"Born From Shadows" évoque bien sûr les ombres, celles de l'âme ou de la forêt, mais il touche davantage aux étoiles grâce à la touche magique de ses géniteurs (qui officient aussi dans EREB ALTOR), qui prennent leur temps pour bien accoucher de chaque riff, qu'il soit discret et tendre ou agressif. Idem du côté de la voix : on a droit ici à une alternance magnifique entre le chant gras/bestial et le superbe chant clair cité plus haut, qui confèrent à une musique déjà poignante une couche de crème supplémentaire. Attention aux diabétique, ISOLE est cruel avec la ligne…

Tout, à part les longueurs de "My Angel", est digne de mention sur cet opus. On ne s'en lasse pas. Chaque mélopée est une offrande drapée d'un linceul doré, à manipuler avec soin, même si l'ensemble est assez baraqué pour braver la tempête. Imaginez-vous le vieux MY DYING BRIDE, mais avec une facette plus chevaleresque… Imaginez-vous la parfaite symbiose entre Doom et Metal épique, comme un peu WHILE HEAVEN WEPT (sur "Condemned" c'est frappant, surtout avec ce riff plus rapide, ou "Born From Shadows, décidément magistrale), et vous détenez de bons indices sur la valeur de ce "Born From Shadows". Vous saisissez aussi qu'ISOLE ratisse assez large pour contenter le plus de fans possibles sans se travestir.

Vous dire… vous dire que je me fatiguerai d'entendre cet album de sitôt serait dire de la merde. Comment ne pas me repasser des centaines de fois en boucle le duo "Born From Shadows"/"Come To Me" ? Comment ne pas pâlir devant le chant torturé sur "The Lake" ou "Condemned", ne pas apprécier la grosse guitare Stoner de "Black Hours" s'échanger le lead avec une des trames les plus grises de l'album et un des refrains les plus mémorables ? Comment ne pas frissonner sur "When All Is Black" et sa finale chargée de feeling emprisonné dans un synthé abattant un boulot remarquable d'ailleurs d'un bout à l'autre…

ISOLE, que j'avais déjà croisé sans trop m'attarder à son bavardage, vient ici de me confirmer parmi ses fans les plus durs. "Born From Shadows" me chamboule à un niveau difficile à quantifier/qualifier et c'est tant mieux, car le buzz sera plus long à disparaître. Si jamais il s'estompe.

Assurément dans mon top 5 cette année et mon top 5 en Doom, toutes années confondues.

Note : 4,5/5.