La voilà de nouveau, cette ombre menaçante sur la terre du Milieu. Cette mélancolie effacée, cette ambiance envolée qui s’était développée sur un "Evernight" bon mais inconstant, puis quelque peu affadie sur le décevant "The Last Alliance".

Le voilà de retour, le BATTLELORE que l’on aime. De nouveau au sommet de son art, les paladins du Nord, au lieu de tomber dans le précipice de la redondance qui leur était grand ouvert après "The Last Alliance", a su rebondir et redonner une épaisseur, une profondeur à sa musique, pour finalement nous offrir son meilleur album depuis "Sword’s Song".

Un mouvement agile sur l’échiquier, comme BATTLELORE arrive tout autant à rester dans l’univers plus easy-listening dans lequel il s’était tout seul reclus, sans doute pour une question de survie commerciale, mais parvient à le transcender, en lui accordant une teinte plus sombre, des compositions moins formatées – mais pourtant jamais alambiquées - , et surtout, une homogénéité étonnante qui aurait pu rendre "Doombound" ennuyeux.

Homogène, c’est sans doute l’adjectif le plus positif que je peux trouver pour un groupe qui s’était dispersé. Homogène dans l’ambiance, qui serait un équivalent épique au sublime "Velvet Darkness They Fear" de THEATRE OF TRAGEDY ("Enchanted" par exemple). Chaque titre est la suite logique de l’autre, si bien que "Doombound" s’écoute et se réécoute en dévoilant peu à peu ses atours sans pour autant donner cette impression peu avenante de complexité. Du BATTLELORE comme on l'aime, vous disais-je !
Homogène aussi en terme de qualité, alors que BATTLELORE affine ses mélodies de nouveau, les perfectionne, accolant à la saveur épique de sa musique une fragilité tranquille, une délicatesse allant contre une agressivité toujours contenue.

L’élément symphonique ne survient jamais en grande pompe, il ne donne qu’assez pour envoûter l’auditeur, créer un cocon émotionnel, une enveloppe épique et évasive. Là-dessus, de vrais grands riffs de guitares d’une mélodie à toute épreuve reprennent enfin leur envol, empruntant autant au Heavy épique ("Last Of The Lords") qu'au Métal Gothique ("Doombound"), des parties vocales qui sonnent à tout moment comme des refrains enivrants.
Kaisa Joukhi délivre la plus belle de ses performances, et Tomi Mykkänen, que j’ai toujours ressenti comme un mauvais remplacement pour l’excellent Patrick Mennander, arrive enfin à donner à sa voix death un charisme rageur, et a nettement amélioré son chant clair. Ainsi un "Kärmessurma" devient tout aussi grandiose et prenant qu’un "Sons Of Riddermark" (un des grands hymnes du groupe). Quel plaisir par ailleurs de voir le groupe enfin oser chanter dans sa langue natale...

Peut-être le son de BATTLELORE est-il encore trop "équilibré". Peut-être manque-t-il encore ces grands passages plein de niaque, cette aura death qui fait que "Sword’s Song" est un album à toute épreuve. Peut-être aussi le titre éponyme s’étire-t-il un peu en longueur, malgré sa dernière minute qui met la larme à l’œil. Des détails bien mineurs alors qu’au travers de "Bloodstained", "Men As Wolves", "Enchanted"…et merde, TOUT l’album… l’univers du groupe renaît, foisonnant d'idées et d'images magiques. Les fans de Tolkien peuvent de nouveau être ravis.

Sublime et indispensable.