Si on pouvait lui reprocher auparavant de ne pas pousser son talent au maximum, de souffrir d'un criant manque de personnalité et de sonner trop propret, WATAIN fout aujourd'hui ces remontrances aux oubliettes avec ce "Lawless Darkness", aussi noir que mélodique. Une très grosse sortie, longue de 75 minutes (décidément, on est dans une époque où les albums n'en finissent plus !), qui s'étirent comme des kilomètres sous un soleil de plomb, un pavé pachydermique qui s'accroche aux racines du genre (on pensera à NAGLFAR ou DISSECTION, évidemment). Et dans la forme, "Lawless Darkness" me fait penser à DARK FORTRESS.

Les Suédois jouent du Black Mélo sanglant et infernal, mais pas extrême comme un MARDUK ou un FUNERAL MIST, plus moderne que nostalgique. L'échelle crado ne déploie pas tous ses barreaux ici, bien que les bons vieux thèmes du trou-de-cul du Diable et ses sbires soient le pain et le beurre du combo. Nous n'irons pas fouiner du côté des textes pour que "Lawless Darkness" nous impressionne, mais bien dans cette collection de compositions ventrues et colorées. Pour du Black…

Le trio de zicos est totalement investi dans ce vortex macabre de la pochette et il nous y entraîne avec ces riffs mortels accouplés à de robustes cavalcades ("Total Funeral", "Malfeitor", "Wolves Curse" et "Hymn To Qayin"), ces innombrables soli et la voix parfaite, pour ce genre de Black, d'Erik Danielsson. Pas trop abrutissante ou au-devant, elle se fond merveilleusement dans l'ensemble. Un boulot original ressort aussi des percussions, WATAIN utilisant ces coups secs de boîte en bois (beat box ?), comme LUNAR AURORA le faisait si bien. Non, votre disque ne saute pas, c'est bel et bien voulu, ces coches dérangeantes ! Cela rajoute à l'aspérité de cette montagne de riffs mélodieux, d'accélérations violentes et de passages plus atmosphériques.

À ce sujet, les ambiances sur "Lawless Darkness" sont très accrocheuses, je n'ose pas imaginer ce que ça aurait été avec un clavier ! Et je regrette d'ailleurs que les Suédois ne boivent pas de cette eau, car un peu de notes synthétiques, même en retrait, aurait sûrement soulevé le groupe. Mais bon, chacun son écurie, WATAIN appartient à celui des molosses non poétiques, même si, sans le savoir, il détient la clé d'un monde obscur de frissons. Je pense entre autres aux trémolos malsains de "Death's Cold Dark" et "Four Thrones" ou aux breaks de "Reaping Death"…

WATAIN offre en bonus sur la version digipak "Chains Of Death", une reprise du groupe DEATH SS. Un peu inutile si vous voulez mon avis, l'album est déjà suffisamment long et "Waters Of Ain" est la parfaite pièce de clôture avec ses 14 minutes qui nous font louvoyer à tous les étages de l'enfer avec ses inlassables grattes aériennes.

"Lawless Darkness" est un album qui vous en donnera pour votre fric, ça c'est sûr. Les fans de Black Mélo et des groupes cités dans cette chro en raffoleront. Ceux et celles qui préfèrent le Black plus rentre-dedans, sans fioritures, risquent de s'ennuyer ferme. Mais ce n'est pas une garantie, car WATAIN a, je le répète, dorénavant une personnalité. Il sait comment envoûter. Et si ça prenait un opus de sacrifié pour atteindre ce stade et sortir de l'underground sans vendre sa mère, soit.

Note : 3,5/5.