Recherche avancée       Liste groupes



      
PUNK  |  STUDIO

Commentaires (4)
L' auteur
Acheter Cet Album
 


 

1994 Let's Go
1995 ...and Out Come The W...
1998 Life Won't Wait
2003 Indestructible
2014 Honor Is All We Know

RANCID - ... And Out Come The Wolves (1995)
Par CANARD WC le 22 Juin 2010          Consultée 6528 fois

Pour la plupart des gens, la musique n’est rien d’autre qu’un passe-temps, un occupe-oreilles, un comble-silence ayant plus ou moins de sens, plus ou moins plaisant. Pour cette immensité tiède d’auditeurs, les dates n’ont aucune importance, on se fout de savoir qui a produit l’album et aucune envie de perdre son temps à analyser et apprécier un truc aussi subjectif que la musique.

«Chacun voit midi à sa porte. Ce n’est que de la musique. Vous savez, les goûts les couleurs hein.»

De notre fenêtre, nous passons au mieux pour des passionnés, tiroir suffisamment large dans lequel on peut faire rentrer toutes les races de gens exaltés, au pire nous sommes une bande d’attardés, d’illuminés maniaques n’ayant rien trouvé de mieux à faire que de réfléchir à l’importance d’AC/DC ou au classement des meilleurs albums de Heavy allemands.

Sauf que bien entendu, il y a un malentendu fondamental depuis le départ puisque les deux clans ne parlent pas de la même chose. Eux parlent de musique. Nous, nous parlons de Musique (avec une majuscule et en gras), de celle qui vous fait vibrer, à laquelle vous adhérez crocs et crânes. Plus qu’une succession de notes, plus qu’un simple « air », plus que quelque chose de réussi ou non. C’est une pastorale de votre vie, une pièce du puzzle de votre âme, une photographie de votre Moi profond composé d’albums qui vous ont fait pleurer, douter pour mieux tout remettre en cause. Je vous parle d’une musique qui EST vous, que vous avez tellement aimée qu’elle est ancrée plus profondément dans votre ADN que les traits de votre mère ou le sale caractère de votre père. Bref, cette Musique, vous n’avez presque plus besoin de l’écouter car elle est juste vous-même. En vous. C’est une assimilation parfaite qui dépasse très largement le cadre du bête Top 10 de l’Ile déserte.

Cette précision faite, vous aurez noté la chose suivante concernant cette Musique : en général vous la cooptez presque « instantanément ». C’est un coup de foudre immédiat dès les premières notes, au détour du premier riff. Vous savez de suite que vous allez devenir fan de ce truc et déjà, vous réfléchissez au patch de votre veste en jean que vous allez retirer pour accueillir ce petit nouveau. "British Steel", "Back In Black", "Sign Of The Hammer", "Powerslave", "Reign In Blood", "Ride The Lightning"… Je vous laisse les faire défiler dans votre crâne. Peu importe le combustible tant que la flamme est vive. Et ce qu’il y a justement de triste en « vieillissant », c’est cette absence de bousculade de l’ordre des choses. Plus le temps passe et plus votre hiérarchie personnelle se fige dans le marbre de votre estime, pendant que l’immensité de l’actualité défile dans un concert de soupirs, sous une grisonnante nostalgie.

Mais il y a eu cet album récemment.

"And Out Comes The Wolves" a déboulé dans ma vie et m’a juste sauvé la vie. Ce petit album débilitant est venu voler à la rescousse du Canard qui déprimait à ressasser en boucle ses vieux souvenirs de thrasheur bidon. Quel plaisir de retrouver cette espèce de sensation d’allégresse et d’excitation démesurée à l’écoute d’un album ! "And Out Comes The Wolves" est comme ce blouson en cuir que vous aimez parfaitement, celui qui vous va bien au teint et semble avoir été créé juste pour votre gueule à vous. Dès "Maxwell Murder", on lève la tête, on serre le poing, on relève le col et on joue des épaules. Nous voilà fin prêt à jouer des coudes avec tous les cons ordinaires, seul contre tous et avec cette indicible envie d’en découdre.

RANCID trimballe une telle énergie qu’elle semble d’emblée impossible à canaliser, elle traverse votre crâne comme un TGV lancé à pleine vitesse, RANCID déborde de vos oreillettes comme pour vous saisir par le paletot et vous donner des envies de culs à botter et de coups de boule rotatifs à distribuer. Les titres tombent comme des bombes, les riffs pleuvent, les refrains martèlent comme une grêle féroce. Tour à tour jovial ("She’s Automatic"), énergique ("Roots Radical") ou cynique ("Junkie Man") : entre envie de dénoncer, celle d’en avoir rien à foutre de tout ou plus simplement de foutre le feu à coups de lance-flammes. RANCID emprunte au CLASH cette envie diabolique d’un Ska sympa comme tout, fricote avec les aspects les plus radicaux du Hardcore et se dandine façon Rock dans ce bordel ambiant.

Et comme les meilleures intentions ne suffisent pas, il fallait des compos qui tuent, qui contiennent assez de poudre pour faire exploser n’importe quelle boîte crânienne. Tout l’art de RANCID magnifié en un album, cet art particulier où le chanteur est faux tout le long, où tout semble dégingandé. On la joue « cool », un rien débraillé pour mieux cacher ce talent, ce savoir-faire évident : riff accrocheur, lignes de chant mélodiques, refrains incroyables pour une succession d'hymnes, de tubes en puissance prêts à dévorer MTV, les radios, les charts, l’univers entier. Sauf qu’on n’en a rien à foutre, on vient de vous le dire. Tout le contraste de la chose pourrait être résumé par l’incroyable jeu de basse de Freeman, d’une précision et d’une justesse à toute épreuve, perdu qu’il semble dans ce bordel sympathique.

Cette ambivalence - entre le côté irrésistible du résultat et ce « rien-à-foutisme » affiché - est une des armes de RANCID, un repoussoir à toute sériosité, un majeur adressé aux esthètes bien pensants. L’aimer n’est pas neutre, y adhérer aura des conséquences.

Maintenant que vous êtes prévenu(e)s, les titres peuvent alors s’enchaîner. Cette dynamique furieuse va vous aspirer délicieusement ; 19 titres, même pas 40 minutes. On passe d’un "Lock, Step & Gone" irrésistible (chœurs en écho sur Frederiksen prêt à tout défoncer : riff impeccable sur refrain au poil). RANCID fait du sur-mesure au pays du « rien à foutre ». Deux petites minutes parfaitement électriques pour mieux se retrouver face-à-face au "Junkie Man" : même constat, même diagnostic. Paroles alarmantes qui se cachent derrière un refrain à gueuler à tue-tête dans le métro, 19 titres sans comprendre ce qui se passe, sans réaliser la puissance de la gifle que RANCID vient de vous infliger. A l’aise dans toutes les nuances, jouant avec les éléments Ska les moins évidents ("Daly City Train"), trouvant pile poil la bonne frontière pour brailler du tube ("She’s Automatic") ou « flirtouiller » avec de la Pop reggaeisante ("Ruby Soho"). RANCID fait de sa diversité, de sa faculté d’adaptation, un hymne à l’amour libre entre le Punk et le Rock. Alors cette première impression de décharge électrique fait place à une exquise sensation de légèreté. On ressort de "And Out Comes The Wolves" grandi, serein, plein d’un enthousiasme débordant, conscient de la merde environnante mais tant pis on va serrer les dents et faire avec.


Après un "Let’s Go" successfull, enchaîné sur une tournée "Sold Out" avec OFFSPRING, RANCID transpire de talent et de facilité en plein coeur de la mode Punk-Rock qui saisit les States des nineties. Le groupe aurait pu surfer peinard sur cette vague, dragouiller les médias, viser les grosses productions pour mieux jouer les Punks multimillionnaires. Mais malgré les pressions, face à ce fric qui lui tend les bras, RANCID restera droit dans ses bottes, fidèle à son petit label et enverra se faire enculer toutes les sollicitations commerciales. Comme pour s’acheter une âme, comme pour se donner bonne conscience de jouer d’une musique à la mode, contre ces « loups qui sortent du bois » RANCID se dandine avec fureur et fait le gros dos.


Note : 5/5.


Morceaux préférés : "Maxwell Murder", "Roots Radical", "She’s Automatic".

A lire aussi en PUNK par CANARD WC :


LEATHERFACE
The Stormy Petrel (2010)
Punk-(Hard)Rock à la délicatesse rugueuse, si si.




DESCENDENTS
I Don't Want To Grow Up (1985)
Ballet Punk de l’adolescence en chantier


Marquez et partagez




 
   CANARD WC

 
  N/A



- Tim Armstrong (guitare, chant)
- Lars Frederiksen (guitare, chant)
- Matt Freeman (basse, chant)
- Brett Reed (batterie)


1. Maxwell Murder
2. The 11th Hour
3. Roots Radicals
4. Time Bomb
5. Olympia Wa.
6. Lock, Step & Gone
7. Junkie Man
8. Listed M.i.a.
9. Ruby Soho
10. Daly City Train
11. Journey To The End Of The East Bay
12. She's Automatic
13. Old Friend
14. Disorder And Disarray
15. The Wars End
16. You Don't Care Nothin'
17. As Wicked
18. Avenues & Alleyways
19. The Way I Feel



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod