Autant les choses étaient claires dans les années 80, autant les années 90 c’était un peu le bordel dans la tête des hardos, faut bien l’avouer. Entre le Grunge que tout le monde écoutait, le Spimélo de tata qui perçait avec tous ses cris aigus désagréables, le Death et le Black déboulant du Mordor, on ne savait plus trop où donner de la tête. On ne savait même plus si Nine Inch Nails était Metal ou non, ce qu’il fallait penser de RAMMSTEIN, on ne captait pas le Grind ni ce que ça préfigurait. Tout le monde était paumé et même les mags en perdaient leur latin et se contredisaient d’un mois à l’autre. A ce foisonnement en tous genres, dans cet umbroglio d’une actualité aussi dense que disparate, est venu se surajouter le renouveau Punk et un groupe comme OFFSPRING en particulier.

Autant on avait tacitement « accepté » des groupes comme NIRVANA et RATM, autant OFFSPRING posait plus de problème. Ce groupe pouvait-il faire partie de la « famille Metal » ? Ça sonnait un peu Metal, c’était speed, les mecs avaient un « look » et ça braillait. Mais surtout c’était diablement accrocheur, trop accrocheur. Tout le monde adorait "Come Out And Play", NRJ et Fun Radio balançaient ce tube aux heures de grande écoute et y avait même une gonzesse dans ma classe qui portait un T-Shirt "Smash". OFFSPRING était aussi attirant que vénéneux et c’était embêtant.

Puis, par un arrêt de la Cour de cassation – chambre Metal – en date du 31/12/1994, il fut décidé qu’OFFSPRING n’était pas Metal (au même titre que les RHCP), au motif qu’au bout d’un moment on peut pas « accepter » tous les groupes sous prétexte que ça déchire. Vu qu’à l’époque j’étais plutôt du style à penser qu’on pouvait pas déontologiquement être aussi bien fan de METALLICA que de MEGADETH (« choisis ton camp camarade ») ; j’ai décidé que je ne POUVAIS pas écouter OFFSPRING par principe et officiellement j’étais inflexible, ferme et entièrement dévoué à la Cause, non mais sans blague. Je boudais même, refusant une copie de l’album sous prétexte que c’était de la merde.

Officieusement par contre, quand le groupe passait à la radio et que personne ne me voyait, je haussais le son et je prenais un pied démentiel. Un pied intérieur et silencieux, bien entendu.

L’ouragan Punk a trépassé et symptomatiquement OFFSPRING a eu la politesse de s’effacer progressivement de l’actualité, ce qui fait que tout le monde s’en fout désormais de ce groupe. Pas moi. Et comme je m’en veux toujours d’avoir été aussi con, à chaque fois que je repense à mon boycott obscurantiste, je me charge mon petit Best Of perso du groupe et je me fous des baffes en même temps. Non pas que ce soit de la « grande musique », disons juste plaisante et jouissive comme une rediff’ de « Piège de Cristal » en pleine semaine sur le câble.

Si l’idée d’écouter un OFFSPRING-like en plus pêchu vous branche un tant soit peu, ce "Got Your Back" de POUR HABIT est l’album qu’il vous faut. Voire plus encore.

Soyons clairs : les similitudes avec OFFSPRING ne sont qu’une porte d’entrée. Juste quelques intonations similaires, le même tempo véloce et ce « son » compact (bien que typique de chez Fat Wreck Chords) (le label de Fat MIKE) (leader de NOFX) (quoi vous connaissez pas NOFX ???) (NOFX rules). POUR HABIT vous tombe dessus en 13 titres et à peine 36 minutes. Compos courtes, hyper efficaces, bien foutues avec à chaque fois un riff qui tue et/ou le refrain qui va bien. Un zeste d’agressivité, mais surtout de l’énergie à revendre. "Got Your Back" est le genre d’album qui vous donne envie de rouler à fond sur le périph’ en faisant des doigts au radar. Du Punk survitaminé qui thrashe un poil mais qui a pris soin d’ouvrir les fenêtres en plein milieu de son album pour qu’on puisse respirer un peu. Car si "Got Your Back" avait filé tout droit sans l’intermède de "Head In The Cloud" enchaîné sur "Party", ç’aurait été juste déboussolant. Une « tête dans les nuages » pour s’aérer le crâne, une incartade à la frontière du Ska qui s’accélère délicieusement pour vous amener sur un "Party" déroutant et salvateur. Un OVNI en plein milieu du skeud, du faux reggae aussi accrocheur que risqué. Le constat s’impose : POUR HABIT a des couilles.

Sur la deuxième partie de l’album, le Punk reprend ses droits avec une nuance : plus de rapidité et moins d’agressivité. Le dosage s’inverse, le rendu s’avère plus « sain ». Le groupe continue de vous coller ses refrains dans la tronche et se montre quasi irrésistible sur "Tomahawk" (meilleur morceau). A écouter de toute urgence si vous voulez vous figurer la puissance de ce petit combo. Tout y est. Que ce soit en termes de compos que d’efficacité, ce fluide Punk qui dévaste tout (avec en option une esquisse de soli en fond comme pour appuyer la sentence). Impeccable, presque parfait.

Comme pour brouiller les pistes, POUR HABIT conclut avec un "Conscience Mind of Revolution" qui sonne comme un appel à la guérilla 100 % « Reggae Peace Love et passe-moi le joint ». "Got Your Back" se termine en douceur, tout en mid tempo comme pour tromper l’ennemi, un final aussi « cool » que l’album est furieux. Même si genre de cassure permet de prendre plus rapidement ses repères lors des premières écoutes, pas sûr que tout le monde apprécie cette liberté que le groupe s’est octroyé. Il y a quelques années, j’aurais sans doute fait partie de ceux qui se seraient arrêtés à cette surface des choses. Ne faites pas la même erreur.


Note : 4/5.


Morceau préféré : "Tomahawk".