Si tous les jours on dégustait des grands crus, qu’on pourrait se fondre constamment dans la délicatesse, le velouté et le raffinement ; il arriverait un moment où tout deviendrait égal par ailleurs, qu’ouvrir un Angélus ou un immense Puligny serait plus ou moins la même chose alors je dis qu’heureusement il y a des échelles de valeur, sans parler de piquette infâme qu’il faut aussi des vins plus originaux, plus ordinaires pour que nos meilleurs flacons puissent s’envoler dans le ciel de nos papilles tant il est vrai que chacun sa place et les moutons seront mieux gardés (oui j’écris un peu bourré si je veux). Et comme il ne faut pas prendre non plus les gosiers pour des lavabos, j’ajouterais qu’en dépit de pouvoir ouvrir tous les jours un Châteauneuf-du-Pape, on peut pleurer de bonheur face à un beau Gigondas, qu’on peut se repaître sans faim d’un « petit grand » Cote-du-Roussillon ou d’un gentil mais aimable Riesling mignon tout plein. Car, ami lecteur, c’est dans la faune des « modestes » aussi qu’on fixe une partie de nos goûts les plus personnels.

Tchin-tchin.

Voilà donc à quoi sert ce "Dominoes Fall" de RANCID : étalonner un peu les choses et conforter surtout le tiercé gagnant du groupe à savoir :

1)"… And Out Comes The Wolves"
2)"Indestructible"
3)“Lets Go!"

"Dominoes Fall" se situe loin de cette galaxie, très loin même. Tant en terme d’inspiration, que de mélodies, d’airs et de titres accrocheurs. L’album est moins bien en tout, pas compliqué, mais pas désagréable pour autant. Il est le genre de galette qui s’écoute « comme ça », sans déplaisir, pour changer un peu. Son homogénéité constitue sa principale force : peu de reliefs, tout juste quelques titres qui surnagent gentiment. Le titre éponyme est pile poil dans cette veine : inoffensif mais sympa. Parce que sans prétention aucune, parce qu’équilibré tout de même (ni trop long, ni trop court) et tout juste acceptable.

Pour éviter de me répéter et pour ne pas tomber dans le « cassage en règle », j’évoquerais cette sympathie « naturelle » qu’inspire le groupe. Un historique, une bonne attitude, des textes sympas et une intégrité peu courante. RANCID arbore cette « Punk Attitude » comme un blouson de vertus et quelque part on craque. Une partie de moi en tout cas cède, infléchisse mon jugement (à moins que ce ne soit ce fantastique Muscadet au reflet d’or qui me monte au crâne). Alors si on se laisse aller, quelques titres surnagent (citons "East Bay Night" ou encore "New Orléans") et on se dit que du « moyen comme ça » on en reprendra bien un verre.

Plus objectivement, on pourra dire aussi que "Dominoes" est fondamentalement décevant : après l’énorme "Indestructible", après une telle résurrection, avoir fait maronner ses fans pendant près de six ans pour nous pousser du bout du coude un album aussi faiblard (suffit de prêter l’oreille aux quatre trop longues minutes de "Civilian ways"… qui plus est foutu en plein milieu de l’album pour comprendre mon propos) ; forcément mon tout ne peut pas décrocher une troisième étoile, tout juste deux loupiottes scintillantes.

Aveu de faiblesse en tout genre (malgré ses vingt titres au compteur... autre erreur tiens), "Dominoes Fall" n’en reste pas moins un album sympatoche comme le frais rosé bas de gamme qu’on boit pendant que les brochettes dorent, sans retenue mais sans en retenir grand-chose non plus.

Note : 2/5.

Morceau préféré : "Dominoes Fall".
Morceau caca : "Civilian Ways".